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Melun, la succession de Clovis et l’hypothèse d’un évêché (511-613)

Les témoignages les plus anciens - et d’abord celui de Jules César en personne - placent Melun sous l’administration de Sens. Les invasions provoquant la disparition de l’ordre gallo-romain ont remis en cause cette organisation séculaire, et surtout les relations étroites qui en avaient découlées - et qui avaient pu favoriser l’essor de la rive gauche plutôt que la droite.

À la fin du Vè siècle, Clovis (v. 466-511) constitue progressivement son royaume à partir de son domaine situé dans le nord de la France actuelle, et fait de Paris sa capitale. Sa mort instaure un partage qui, pour Melun, dissocie les autorités spirituelles et temporelles : la ville et son “pays” dépendent du royaume de Paris dont Childebert 1er (511-558) hérite, mais relève toujours de l’archevêché de Sens, sis dans un territoire échu à Clodomir, roi d’Orléans.
Ce dernier meurt en 524. Son frère Clotaire 1er épouse sa veuve. Son titre est alors partagé entre celui-ci, Childebert et Thierry 1er, fils aîné de Clovis né d’un précédent lit. En 532, l’assassinat des enfants de Clodomir pouvant prétendre au titre de roi d’Orléans, organisé par Clotaire et Childebert, et le renoncement de Clodoald, autre fils qui en avait réchappé et opté pour la vie monastique (pour devenir saint Cloud) consacre cette situation sans doute peu satisfaisante, en particulier pour des villes comme Melun. Elle demeure inchangée lors de la succession de Thierry 1er reçue par son fils Théodebert en 534, comprenant Sens.

La réunification intervient en 558 quand Clotaire 1er demeure seul héritier survivant de Clovis. Elle est de courte durée puisqu’il disparaît en 561, provoquant un nouveau partage et relançant les conflits entre les différents prétendants au royaume. Ils ne s’éteignent véritablement qu’avec le triomphe de Clotaire II, qui le reconstitue en 613.


Chastillon, Vue de Melun depuis Le Mée vers 1600, gravure, détail; de g. à dr. :
édifice inconnu, églises St-Étienne et ND,Hôtel-Dieu St-Nicolas

Silvestre, Vue de Melun depuis Vaux-le-Pénil vers 1660, dessin, Louvre, détail :
de g. à dr. églises ND et St-Étienne et édifice inconnu

C’est dans ce contexte que se place la lettre de l’évêque de Sens, Léon, même si sa datation reste imprécise. Elle expose le souhait des Melunais, désertés par l’autorité spirituelle sénonaise du fait des partages politiques, d’obtenir la création d’un évêché sis dans leur ville, détaché de celui de Sens. L’affaire est politique (et Léon renvoie à Théodebert dont Sens dépend) : la création d’évêché par un monarque dans ces temps troublés n’est pas exceptionnelle et permet d’associer plus étroitement pouvoir spirituel et temporel, en subordonnant le premier au second, à vrai dire.

Yves Gallet (“Childebert 1er et le groupe épiscopal de Melun au VIè siècle”, Art et architecture... 2000) estime donc probable que Melun ait été brièvement siège d’un évêché en s’appuyant sur cette lettre et sur les éléments architecturaux présents dans l’ile : églises Notre-Dame et Saint-Étienne (mentionnés depuis le IXè siècle), lieu d’accueil avec l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas (connu depuis le XIè siècle) et quatrième édifice mystérieux, révélé par les documents graphiques à l’état de ruine à l’époque moderne. Nous aurions là un ensemble épiscopal cohérent.

Il resterait à trouver les titulaires du siège. Est-ce un hasard si, à la fin de cette période, saint Loup, évêque de Sens de 611 et 623, envoya, nous dit-on, Aspais en mission à Melun? Autre saint propre à Melun, Liesne doit avoir fait son oeuvre supposé en contribuant à son tour à l’évangélisation de la ville vers le même temps. La paroisse qui l’honorait, sur les hauteurs près de Vaux-le-Pénil, conservait un ensemble important de sépultures mérovingiennes mises à jour au XXè siècle, datées des VIè-VIIIè siècles. On peut en fait se demander si ces deux personnages ne seraient pas de bons candidats au siège ... peut-être récupérés ensuite par le diocèse de Sens.

S.K., Melun, 14/07/09

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