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Suppléments à l’oeuvre des Stella depuis 2006

La Charité vendue à Vienne

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Souvent, un travail monographique, catalogue d’exposition ou simple livre, favorise l’émergence d’oeuvres portant, à juste titre ou non, le nom de l’artiste ainsi honoré. Jacques Stella l’a été par deux ouvrages complémentaires. On trouvera, rassemblé par ordre chronologique dans une mosaïque récapitulative, ce qui a pu resurgir depuis leurs publications, ce qui peut concerner aussi les Bouzonnet et quelques corrections notables pour des attributions fautives.

... Et ci-dessous, une de ces découvertes.

Sylvain Kerspern

Les Stella : suppléments aux catalogues de 2006


La Charité vendue à Vienne

Huile sur toile.128 x 101.
Vente Dorotheum Vienne 24 avril 2007 (lot 83, Cavalucci)
Mise en ligne les 18-29 avril 2008 - Retouches : août 2012 - Janvier 2016

Présentée comme de Cavalucci, peintre florentin, cette belle Charité n'appartient pas à l'art néo-classique du XVIIIè siècle mais à celui "atticiste" du XVIIè. Le raffinement du coloris, du drapé, la puissance et la fermeté des formes et le goût pour jouer de la lumière sont tout à fait caractéristiques de l'art de Stella dans sa plénitude. On en rapprochera avant tout à nouveau la gravure de Rousselet en l'honneur de Sublet de Noyers, de 1642, les deux retables pour les Jésuites aujourd'hui aux Andelys (ci-dessous à gauche) et au musée de Béziers, la Clélie (ci-dessous à droite) et Minerve et les Muses du Louvre (notamment pour l'aperçu sur le paysage), et peut-être jusqu'aux illustrations sur l'histoire de Notre-Dame de Liesse, voire le tableau perdu montrant Sainte Hélène faisant transporter la Vraie Croix - mais ces derniers témoignages durcissent encore l'aspect pierreux; ce qui situe l'oeuvre vers 1642-1644.

On mesure la distance prise avec celui qui illustra de nombreuses fois le sujet et que Stella paraît avoir étudié et assimilé à son retour de Rome : Jacques Blanchard. L'un et l'autre ont en commun l'aisance et le naturel dans les dispositions. Mais chez notre artiste, l'ampleur des formes recherche la minéralité de la statuaire et non la sensualité de la chair.

S.K.

Christ retrouvé par ses parents au Temple.
Toile, 323 x 200. 1641-1642.
Les Andelys, église

Pour la datation de ce tableau capital du Louvre, voir mon commentaire de la monographie de Jacques Thuillier.

Retouche, janvier 2016 :
Le tableau passe en vente chez Sotheby's à New York le 29 janvier 2016, avec la « bonne » attribution. Je constate, tout à la fois, que Sylvain Laveissière accepte la proposition faite ci-dessus, et que mon site ne bénéficie pas encore du lectorat de Sotheby's. Il suffit pourtant de taper dans le moteur de recherche le plus répandu « “Jacques Stella”, charité » pour tomber rapidement sur la page que vous lisez; et ainsi faire état d'une référence précise développant pour la première fois cette attribution. Cela éviterait une argumentation hors de page.

En effet, le commentaire et les rapprochements faits poursuivent dans cette ligne en prenant appui sur l'ouvrage de Jacques Thuillier, malheureusement entaché par les problèmes de santé du professeur. Ils l'ont, par exemple, empêché de situer correctement la Vierge à l'Enfant et saint Jean autrefois à la Malmaison, que Sotheby's prend en référence : l'ordre dans le catalogue et le commentaire la placerait vers la fin du règne de Louis XIII, « des premières années parisiennes », alors qu'elle est datée de 1650 et que cette information était bien connue. La datation de la Charité exprimée ci-dessus me semble toujours juste, même si je n'exclus pas un léger glissement jusque vers 1645.

Plus pertinente et utile est l'information sur l'historique, qui permet de comprendre que ce tableau fut peint pour un couvent sans doute parisien, saisi lors de la Révolution, et vendu alors à un collectionneur de Leipzig. Sa réapparition chez Dorotheum suggère qu'il soit resté ensuite dans la région, sinon, par descendance, entre les mains d'héritiers. On peut se demander si l'établissement en question ne pourrait pas être un hôpital comme la Charité, voulue par Richelieu et notamment décorée d'oeuvres de Louis Testelin et Charles Le Brun vers 1645-1655 (voir en dernier lieu Alexandre Gady, 2009).

Les sources n'y mentionnent pas d'ouvrage de Stella, mais une interprétation du thème par Le Brun qui doit retenir notre attention : «sous la figure d'une femme qui jette de l'eau sur une flamme ». Elle me conduit à rappeler la raison d'être, chez Stella, du pot-à-feu dont l'enfant nourrit la flamme, au fond du tableau : il incarne la charité comme amour divin, selon l'idée du franciscain Bonaventure, le volet terrestre, humain, se trouvant installé au premier plan, avec l'allaitement et les fruits dispensés.

S.K., janvier 2016

Historique :
Jean-François Rauch, Leipzig, 1799; sa vente, Leipzig, 17-18 October 1799, lot 74 (« J. Stella / No. 74. Une Charité, on y compte cinq figures de grandeur naturelle, d'une couleur, et surtout d'une carnation admirable; ce tableau fut toujours regardé, comme un des meilleurs de cet habile peintre: il appartint alors à une communauté, pour la quelle il fut peint. H. 43. L. 37 1/2. T. »). Vente Dorotheum Vienne 24 avril 2007 (lot 83, Cavalucci). Vente Sotheby's New York 29 janvier 2016 (lot 497, Jacques Stella).

Bibliographie
Germain Brice, Description de la ville de Paris, Paris, édition 1698, II, p. 263 (Le Brun et Testelin à la Charité)
Antoine-Nicolas Dezallier d'Argenville, Voyage pittoresque de Paris, Paris, 1749, p. 260-262 (Le Brun et Testelin à la Charité)
Pierre Thomas-Nicolas Hurtaut-Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, 1779, p. 226 (Sève, La Hire, Le Brun et Testelin à la Charité)
Alexandre Gady, « Charité bien ordonnée... », in Richelieu patron des arts, Paris, 2009, p. 97-119
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr.
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