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Les Stella
Catalogue de l'œuvre de Jacques Stella : Ensemble - (1655-1657), mosaïque
Divers ornements d'architecture

de Jacques Stella,

Claudine et Françoise Bouzonnet Stella,

1658




Mise en ligne en mai 2022


Dessins perdus. 66 gravures d'ornements et le frontispice par Françoise Bouzonnet Stella, signée Françoise Bouzonnet fecit; portrait de Jacques Stella et dédicace par Claudine. 27 x 21 cm (sauf le portrait, ).


Frontispice, la Sculpture debout offrant l'ouvrage à l'Architecture, assise devant elle; états divers selon la lettre des frontispices des quatre livres.

Ouvrage en entier : sur le papier déroulé par la jeune femme debout (la Sculpture), DIVERS / ORNEMENTS / D'ARCHITECTURE, / RECUEILLIS / ET DESSEGNES APRES / L'ANTIQUE / PAR MR. STELLA / PEINTRE ORDINAIRE / DU ROY / ET CHEVALIER DE SON / ORDRE DE ST. MICHEL; au bas : A PARIS / aux Galleries du Louvre / AVEC PRIVILEGE 1658

Partition en livres : LIVRE PREMIER, LIVRE DEUXIEME, LIVRE TROISIEME, LIVRE QUATRIEMME remplaçent le texte à partir de PEINTRE ORDINAIRE DU ROY.
Livre 1, 16 pièces de frises d'oves, palmes, motifs géométriques ou végétaux, guillochis (f°1-16)...
Livre 2, 16 pièces de rinceaux, motifs à palmettes, dauphins, oves, cornes d'abondance (f°17-32)...
Livre 3, 16 pièces de frises rinceaux, motifs à palmettes, dauphins, oves, cornes d'abondance, macarons (f°33-48)...
Livre 4, 18 pièces de macarons et autres motifs ornementaux isolés d'enroulements et autres (f°49-66)...


Exemplaires (livres) :
Munich, Bayerisches Bibliothek;
Paris, BnF, Da 20 fol, Hd50 (folio 33-66);
Paris, Inha;
Prague, Bibliothèque nationale tchèque.


Bibliographie :
* «Testament et inventaire (...) de Claudine Bouzonnet Stella», Nouvelles archives de l’Art Français, publiés par J-J. Guiffrey, 1877, 77 et 79.
* Mariette, Pierre-Jean, Abecedario pittorico de P.-A. Orlandi et autres notes manuscrites, partiellement publiées par Montaiglon et Chennevières en 1852-1862 dans les Archives de l'art français, t. V, 1858-1859, p. 275 (de 1658).
* Désiré Guilmard, Les maîtres ornemanistes dessinateurs, peintres, architectes, sculpteurs et graveurs, Paris, 1880, t. 1 p. 50 (date lue : 1653).
* Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. II, 1951, p. 92, CBS 164, 95, FBS 16-114 (livre premier, date lue : 1655)
* Catalogues de la collection d'estampes de Jean V, roi du Portugal par Pierre-Jean-Mariette, éd. Marie-Thérèse Mandroux-França et Maxime Préaud, Paris, 1996, II, p. 213 (portrait de Stella par Claudine), 235 (bandeau aux armes de Ratabon par Claudine), 237 (ornements par Françoise).
Nota : Charlotte Lidon a conduit des recherches sur cet ensemble sous la direction de Gilles Chomer, soutenues en 2000 mais je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance.
« Durant l’hyver, lorsque les soirées sont longues, il s’appliquoit ordinairement à faire des suites de Desseins, tels que ceux de la vie de la Vierge, qui sont fort finis, & dont les figures sont assez considérables : il y en a vingt-deux. On voit cinquante estampes gravées d’après lui où sont représentés différents jeux d’enfants. Il a dessiné plus de soixante vases de différentes sortes; plusieurs ouvrages d’orfèvrerie; un recueil d’ornements d’architecture; toute la passion de Notre Seigneur qu’il a peinte depuis, en trente petits tableaux : c’est le dernier ouvrage qu’il a achevé.
Il avoit fait auparavant seize petits tableaux des plaisirs champêtres, & un nombre d’autres grands sujets concernant les arts. On auroit peine à croire qu’il eût produit tant d’ouvrages, considérant le peu de santé qu’il avoit : aussi doit-on les regarder comme un pur effet de son grand amour pour la Peinture. »

(Félibien)

Cet ouvrage, pour lequel Stella a conçu une partition en quatre livres, est cité par Félibien. Daté de 1658 - le dernier chiffre en est souvent mal lu -, il suit immédiatement les Jeux d'enfants et les Mesures et proportions du corps humain, publiés l'année précédente. Claudine le mentionne dans son inventaire de 1693-1695; elle en détaille ce qui lui en restait par livres et pour l'ouvrage entier et elle en conservait les planches, au nombre de 67 plus une vignette qui doit correspondre au bandeau de la dédicace, que Mariette dit pourtant gravée par Claudine; à moins qu'il ne s'agisse du portrait de l'inventeur, de la même main mais qu'elle mentionne par ailleurs dans ses propres œuvres (p. 76). L'amateur d'estampes les signale à Lyon, confirmant leur passage par de Masso, qui en avait hérité. Il dût les voir lors de son passage au retour d'Italie, en 1719-1720. On me permettra ici de ne pas reproduire intégalement le livre, et de me contenter de renvoyer aux publications en ligne des exemplaires des bibliothèques mentionnées plus haut, notamment à celui de l'Inha et à la miniature de sa visonneuse ci-contre.
Dater.
Les remarques faites à propos de Mesure et proportion du corps humain sont valables pour ce nouvel ensemble de modèles. L'essentiel des images qu'il propose tient en des gravures dont le style est, par nature, très impersonnel, et seul le frontispice peut contribuer à le faire mais il marque le moment préparatoire à la publication, traduit par la nièce. Son style relève bien des dernières années. Sa publication se fait l'année qui suit que celle des Jeux d'enfants, en 1658. Il faut noter que Françoise n'est guère moins précoce que Claudine, puisqu'elle n'a que 20 ans lors de la publication. Par commodité, et selon ce que son frontispice montre du style de l'oncle, j'ai choisi de l'inclure dans la dernière section du catalogue, au cours de laquelle il doit avoir mis au propre les relevés qu'à l'instar d'un Poussin ou d'un Errard, il aura faits sur des monuments et autres témoignages de l' Antique en Italie.
Françoise Bouzonnet Stella d'après Jacques Stella
Frontispice, exemplaire de la National Gallery of Scotland.
Folio 9 de l'exemplaire de l'Inha, seule feuille avec écritures en plus de la signature de la graveuse.
Iconographie et intention.
PAGE DE DÉDICACE

Les armes du sieur de Ratabaon dans un bandeau d'ornements avec sphinges et amours à rinceaux (Weigert 1951, p. 92, CBS 164)







(Transcription modernisée)
A MONSIEUR
MESSIRE ANTOINE RATABON
CHEVALIER, CONSEILLER DU ROY EN SES
CONSEILS, SURINTENDANT ET ORDONNATEUR GENERAL DES
Bâtiments, Jardins, Tapisseries de sa Majeté, Arts & Manufactures de France.

Monsieur,
A qui pourrais-je plus justement présenter mes Ouvrages qu'à vous, qui êtes le Protecteur de tous les beaux / Arts, & qui les employez aujourd'hui si heureusement pour la gloire & la splendeur du Royaume. Si vous / continuez comme vous avez commencé, Paris n'enviera plus les beautés de la vieille Rome, ni notre siècle tout / ce qu'il y a eu de plus magnifique dans l'antiquité. Les Peintres, les Sculpteurs, & les Architectes à l'envy l'un / de l'autre formeront tous les jours de nouveaux desseins, afin que vous en soyez l'Arbitre. Ceux que je vous offre / tirés du Cabinet de feu monsieur Stella mon oncle, & font parties d'un plus grand nombre d'observations / qu'il avait fait sur divers fragments antiques. Si vous les agréez, vous me donnerez courage de reprendre mon bu- / reau, et de mettre le reste en lumière, vous consacrant le tout pour marque de ma reconnaissance, en suite / de tant d'obligations que notre famille vous a, & moi particulièrement, qui serai toute ma vie par toutes sortes de / devoirs,

Monsieur,

Votre très humble & très obéissante servante,
CLAUDINE BOUZONNET STELLA.

Le frontispice, la dédicace et le folio 9 permettent de cerner l'intention de Stella relayée par sa nièce. Selon la lecture de Mariette, le premier montre la Sculpture debout, ses outils à ses pieds, offrant l'ouvrage à l'Architecture, assise devant elle, tenant règle et compas. L'appel au ministre Ratabon (ci-dessus) mentionne la source de l'artiste, des fragments antiques. L'unique feuille portant du texte détaille les différentes façons de tailler l'ove. Stella semble infléchir là ce qui pourrait être un simple répertoire vers un manuel pédagogique à l'usage des sculpteurs, art qu'on ne le soupçonne guère d'avoir pratiqué. Plus vraisemblablement, il s'inscrit dans le souci de rigueur archéologique partagée avec les frères Fréart (sinon Poussin).
F°32 (dernier du Livre 2). F°33 (premier du Livre 3). F°48 (dernier du Livre 3). F°49 (premier du Livre 4).
La partition entre livres ne distingue pas clairement différents types d'ornements. Si le dernier s'attache aux motifs isolés (macarons, fleurons, enroulements floraux...), d'autres motifs comparables sont intégrés au livre précédent, par exemple. Il s'est sans doute agi de diviser l'ensemble en livres au nombre de pages à peu près équivalent comme une offre modulable à partir d'un tout cohérent.

Je laisse à d'autres, et notamment aux spécialistes d'architecture aussi bien de l'Antiquité que des Temps Modernes, le soin de faire le tour exhaustif des sources utilisées par Stella pour son ouvrage. Je me contenterais ici de suggérer une source sinon directe, du moins d'inspiration, pour évaluer sa pertinence. Un travail philologique s'attacherait à la rigueur dans la transcription, et on n'attendra évidemment pas cela ici, n'étant pas historien spécialisé dans l'architecture.

Ainsi, le Temple dit de Jupiter Stator pourrait avoir fourni modillon ou motif d'architrave. Celui ci-contre, trouvé dans l'ouvrage d'Edmond Guillaume (Histoire de l'art et de l'ornement, Paris, 2è éd. ici, 1888), semble nourrir, avec quelques aménagements, des frises des folios 11 et 19.
Ce simple exemple permet de comprendre que Stella doit avoir isolé des motifs de chaque partie d'un élément de décor, frise, astragale, soffite, cadre, chapiteau, base, etc., pour les réunir par typologie dans un format horizontal. Un tel parti ne reflète pas une intention proprement archéologique qui se perçoit, par exemple, dans la publication de l'architecte Antoine Desgodetz (1653-1728) sur les édifices antiques. La remarque pourrait sembler contradictoire avec ce qui a été dit plus haut : la nuance tient au fait que Stella souhaite vraisemblablement fournir des éléments susceptibles de soutenir une interprétation archéologique d'un monument, mais aussi le travail d'un sculpteur ou d'un peintre, sans pour autant restituer intégralement les fragments relevés. Jacques instruit la grammaire des arts, non son archéologie.
Frise à rinceau n°1 du f°33.
Le jugement de Salomon. Toile, 112 x 161 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum

Salomé apportant la tête de saint Jean-Baptiste. Huile sur ardoise. 42,5 x 33,5 cm. Ham House

Pour son œuvre, elle est un outil parmi d'autres. Moins peut-être qu'un Nicolas Poussin ou qu'un Jean Lemaire, il s'en sera servi à l'occasion. J'ai déjà signalé l'utilisation d'un de ces motifs dans deux peintures, à propos de la Salomé de Ham House (ci-dessus), peinte peu après le retour de Rome, et qui concerne aussi le Jugement de Salomon de Vienne.

Pierre Daret d'après Stella, Le génie de la France sonnant de la trompette, et assis sur un rinceau d'ornement. Gravure pour l'Imprimerie Royale.

Son imprégnation se ressent plus largement, cependant, dans ce qu'il propose pour les ornements de l'Imprimerie Royale (ci-contre). De nombreuses vignettes pour l'entreprise de Sublet de Noyers en faveur de la création d'une Imprimerie Royale, ne serait-ce que pour les cadres, se servent de tel ou tel de ces ornements plus tard gravés par la nièce Françoise, aussi puis-je me permettre de renvoyer à la page du catalogue qui les aborde pour le vérifier. Quoiqu'il en soit, cette opportunité de réfléchir autant sur l'héritage assumé que sur la mise au point d'un vocabulaire décoratif neuf mais qui s'en inspire aura sans doute favorisé son développement dans son œuvre.

Astragale à torsades n°4 du f°4



Frise à rinceau 1 du f°33.

Le volume publié par Claudine Bouzonnet n'est sans doute que la partie immergée de l'iceberg que constitua l'ensemble des relevés qu'il put faire sur place ou par d'autres sources manuscrites ou gravées. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les deux pendants tardifs sur l'histoire de Salomon, particulièrement l'extraordinaire et frénétique scène au cours de laquelle il cède à l'idolatrie. Elle fourmille de motifs ornementaux sur les parois, les voûtes ou les tissus, trame linéaire sur laquelle s'ébattent les corps féminins à la stupeur horrifiée des deux observateurs masculins, proches de l'autel. Autant de formes issues de ces études que de sa capacité à inventer pour son art. Un travail tel que celui conduit par Emmanuel Coquery à propos de Charles Errard, dans la monographie qu'il lui a consacrée, permettrait certainement d'en mieux apprécier l'apport.
Salomon sacrifiant aux idoles. Toile, 98 x 142 cm. Lyon, Musée des Beaux-Arts
En cela, ce nouveau livre ressortit bien à l'héritage transmis par l'oncle aussi bien dans ce fond de dessein souligné par Mariette que dans le souhait de le voir traduit par les mains de ses nièces. La sculpture en frontispice pourrait d'ailleurs s'appliquer à l'art de l'estampe, selon la mention susceptible de suivre le nom du graveur pour préciser son rôle - quoique Françoise ait ici préféré fecit à sculpsit. C'est en tout cas sous cet aspect que cet ensemble compte dans l'œuvre de Stella, comme témoin d'une assimilation de l'art antique au point d'en nourrir un art neuf, classique d'esprit, contribuant au fleurissement de ce que l'on a appelé l'Atticisme. On aurait aimé que Ratabon encourage Claudine (et Françoise) à poursuivre et compléter l'ouvrage...

Sylvain Kerspern, Melun, avril 2022

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