Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com


Table concernant Jacques Stella

Table générale

Contacts : dhistoire_et_dart@yahoo.fr - sylvainkerspern@hotmail.fr
La Vierge à l’Enfant endormi

attribuée à Jacques Stella

(vente du 28 septembre 2008, à Troyes).

Autographie, datation, signification


Mis en ligne le 31 octobre 2008
Le 28 septembre dernier, à Troyes, est passée en vente une peinture attribuée à Jacques Stella représentant une Vierge adorant l’Enfant endormi tout à fait dans le goût de l’artiste. Il a traité le sujet à plusieurs reprises - dont un exemple tout particulier se trouve aujourd’hui à Lyon, et présente une inscription renvoyant ni plus ni moins qu’à la reine, Anne d’Autriche, sur l’oreiller. Autant dire que cette peinture peut nous introduire au coeur de l’art du peintre, jusque dans ses plus hautes ambitions. Je voudrais m’appuyer sur son étude pour proposer une réflexion à propos d’un des aspects de la recherche en histoire de l’art : l’attribution et ses différentes composantes (autographie, datation...) dans leur rapport à l’expression artistique.

Une composition gravée par Abraham Bosse.

La composition et ses dispositions, l’invention en somme, sont connues par une gravure d’Abraham Bosse. Celle-ci a été éditée par Pierre Mariette, installé à l’adresse figurant dans la lettre en 1638. Pourtant, les auteurs de la remarquable célébration de 2004 partagée entre le Musée des Beaux-Arts de Tours et le Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale, négligent cette indication pour proposer (en se basant sur la technique employée par l’artiste?) une situation dix ans plus tôt.

Ce serait vers le moment, entre autres, de l’Assomption de Nantes, datée de 1627, ce que le drapé ou la typologie, particulièrement celle enfantine, ne permettent pas. Les physionomies se retrouvent au plus tôt dans la Sainte famille avec le petit saint Jean et l’agneau de Montpellier (1633). On en rapprochera plus nettement la susdite version de Lyon du Sommeil de l’Enfant-Jésus, située par tous les indices (formels, iconographiques, documentaires...) en France entre 1635 et 1643. Le traitement du visage de la Vierge, yeux mi-clos plus ou moins globuleux sur un long nez fin, surplombant lui-même une bouche étroite et un petit menton saillant au-dessus d’un cou vaguement grassouillet, correspond à celui apparaissant dans La Vierge et saint Joseph adorant l’Enfant-Jésus de Barnard Castle, de 16391.





1 . Mariette, dans ses notes publiées par Chennevières et Montaiglon (1851-1860, IV, p. 261), mentionne un autre état de la gravure en ovale. Il la signale comme “ la seule pièce que l’on voye de Bosse au burin”. Est-ce la raison de cette datation, comme si le Tourangeau avait fait un essai dans une technique rapidement abandonnée au profit de l’eau-forte plus propice à ses ambitions inventives? La main, pourtant, est sûre. Bosse a travaillé aux projets de l’Imprimerie royale, notamment avec Stella, toujours selon Mariette. Cette vaste entreprise a volontiers recouru aux deux techniques. Je serais donc enclin à penser que le graveur ait pu alors s’essayer au burin avec une pratique dans la conduite de la main déjà éprouvée. Il se trouve que la datation au début des années 1640, de fait, correspond au style de la composition de Stella. - Retour au texte.
Quelles relations entre le tableau et la gravure?

C’est précisément cet aspect qui varie dans le tableau présenté à Troyes. En dehors de son expression souriante, Marie présente des traits plus larges, un nez fort; les joues plutôt tombantes dans la gravure ont ici des pommettes saillantes. Dans l’évolution de l’artiste, une telle physionomie épanouie, peut-être inspirée par Léonard et Parmigianino, est à placer plus tard, dans les dix ou douze dernières années de l’artiste. L’un de ses derniers emplois se trouve dans ce qui doit être l’ultime version du thème, de 1654, présentée à l’exposition de Lyon et sans doute mentionnée dans le Testament et inventaire de Claudine.

On en rapprochera d’autres peintures comme la Sainte famille avec un ange qui prépare la bouillie, bien connue, du Musée des Augustins de Toulouse ou la Vierge à l’Enfant de Loguivy-de-la-Mer, gravée par Poilly. Ainsi peut-on, avec vraisemblance, situer le tableau vendu à Troyes vers 1650.

De tout cela découle l’idée qu’il y aurait une composition que Bosse aurait mise en lumière par la gravure, située vers 1640, reprise dans le panneau troyen quelques années plus tard. Les deux témoignent de deux typologies effectives chez lui, et en dehors du rideau, la seconde version fait, au fond, de l’évolution du style sa principale variante. Stella reprend l’idée, lui confère une plus grande monumentalité tout en transformant la moue intériorisée en sourire confiant.





Cette simple comparaison met en lumière l’importance de l’attribution et de la discussion du caractère autographe, d’une part, et de son inscription dans une chronologie. Le style est d’autant plus signifiant, ici, que les dispositions n’ont pas changé. La clé est dans ce sourire “léonardesque” qui, en soit, est un autre vecteur de “manière”2 , et évocateur du rôle de modèles extérieurs dans la méditation artistique.

De fait, il me semble utile de prolonger l’examen de cette peinture par la mise en évidence, à partir de ces éléments, d’une typologie significative dans le temps de l’image de la Vierge. Je le ferai ici à partir de la caractérisation de certains de ses types clairement datés et de l’analyse de leur intégration dans le sens proposé par le peintre à son tableau. Non pas tant la signification souvent convenue de l’iconographie, mais de l’esprit qui préside à sa mise en scène. Pour ne pas trop m’étendre, je me limiterai à quelques exemples précis, essentiellement de la carrière française.

2 . Dans le discours théorique de l’art sous l’Ancien Régime, la “manière” (de l’italien “maniera”) s’oppose à la Nature. Le XVIIIè siècle, à la suite de Roger de Piles qui fait de la consultation de la Nature un impératif en art, se sert de ce terme pour déprécier l’oeuvre de tel ou tel artiste, alors qu’auparavant, singulièrement au XVIè siècle en Italie et chez Vasari, notamment, il s’agissait de glorifier le style d’un peintre capable, précisément de surpasser la Nature en la recomposant et en en gommant les supposées imperfections sur l’exemple de grands maîtres, avec qui rivaliser jusque dans le style. Là réside l’ambiguïté du terme “Maniérisme”, appliqué a posteriori à tout un pan de l’art Européen du XVIè siècle, longtemps péjoratif et qui a retrouvé récemment ses lettres de noblesse. À noter que Dézallier d’Argenville reprochera précisément à Stella d’avoir un goût “ qui dégnénère en manière” par le défaut de consultation de la Nature (ce que nous savons faux, et jusque tard dans son existence), tout en le désignant comme un imitateur de Poussin. On finira par dire, en substance, qu’il a trop suivi la “manière du Poussin” - évidemment à tort. - Retour au texte.
Style et sens : typologie formelle et intention de l’esprit.

Le type physique de la Vierge du Sommeil de l’Enfant Jésus de Lyon est la version française de celui importé d’Italie tel qu’il apparaît, en place, dans la Sainte famille avec le petit saint Jean présentant l’agneau du Musée Fabre de Montepellier, de 1633 : ovale elliptique, allongé, yeux aux paupières globuleuses, articulation solidaire suivant un axe du nez, de la bouche et du menton que d’autres exemples de l’époque (notamment dessinés) permettent de percevoir également de profil ou de trois-quarts.
La relative discrétion des éléments constitutifs du visage renforce l’impression géométrique, résultant d’une démarche inspirée évidemment de Raphaël et teintée du maniérisme, déjà, de Parmesan (qui fait que Stella allongera parfois un peu démesurément le cou...), sans doute aussi du Cavalier d’Arpin, dans l’aspect vaguement bridé des yeux ou l’alourdissement de la partie inférieure du visage.

Stella donne ainsi de la Vierge, beauté chaste et pure, une image très intellectualisée. Par d’autres moyens - et au bénéfice d’une autre formation, marquée par Florence -, il participe, dans ses dernières années romaines, au même titre que Poussin, Sacchi et d’autres à l’expression de la mesure, autant sobriété que moyen de quantifier et d’inscrire dans la forme géométrique les potentialités du monde, quand Cortone ou Lanfranco optent pour le mouvement comme exprimant une expansion au caractère infini.

Enjeux d’une chronologie : percevoir l’artiste au présent.

L’erreur, toutefois, serait de tracer le destin de l’artiste sur sa carrière à venir - la même qui consiste à juger de sa valeur par sa contribution (ou non) à l’enchaînement qui a conduit l’art où on le trouve ensuite. Pour juger avec quelque espoir de pertinence de sa réussite, il faut envisager chaque élément particulier de sa production en l’estimant à l’aune de son bagage et en fonction du champs des possibles.

En effet, que peint-il à Lyon, lors de son séjour de quelques mois?
Une Nativité en clair-obscur dominée par la figure puissante et aérienne d’un Dieu le père porté par les anges, accueillie par son Fils, bras ouverts, tenu dans son sein par une Vierge à l’expression quasi-extatique. Il exploite une veine dont l’Allégorie Borghese du Louvre (1633), notamment, témoigne également dans le goût pathétique. Ce qui semble a priori fort éloigné de l’idéal classique.
Toutefois, par-delà la glorification angélique à laquelle procède ce tableau, c’est bien l’offrande de son enfant par la Vierge aux desseins de Dieu, réclamant son sacrifice, qui est mise en évidence. C’est toute la réussite de l’artiste que d’avoir si pleinement exprimé la pensée franciscaine attachée à l’enfance du Christ autant qu’à ses souffrances ultimes, proposant ici, dès la naissance, qu’il revienne à son Père. Et de l’avoir fait, malgré un souffle certain, avec une retenue, au final, remarquable.

À près de quarante ans, Stella maîtrise donc son chant mais peut en varier les tons. Il reste ouvert aux propositions des autres, ce qu’il doit sans doute au fait qu’il ne soit pas encore installé. Mais il en a l’intention, et répond à l’appel de Paris, du cardinal de Richelieu et du roi. Ce qui va le confronter à un contexte encore autre, mais dont la richesse retrouvée commence à rivaliser avec celle de Rome : Vouet, Vignon, Blanchard, Champaigne, La Hyre, entre autres, sont en pleine activité. Durant les dernières années du règne de Louis XIII se place un ensemble d’expérimentations qui témoignent d’un dialogue soutenu avec l’art de ses congénères.

Variantes typologiques : définitions et sens.

Types “ronds”

C’est dans ce contexte qu’apparaissent certains types précis pour la Vierge, négligeant l’ovale pour tendre au cercle voire au rectangle. On trouve la première option dans les Vierge à l’Enfant et saint Jean des Offices, de Montréal et d’Épinal (récemment acquise), et la deuxième dans le traitement du même thème du Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Son sujet s’y prêtant, la Sémiramis, entrée dans ce même musée depuis l’exposition, offre un panel complet de ces types. On en trouve des avatars dans des oeuvres postérieures qui permettent de percevoir le travail opéré par l’artiste sur son style - et contribuent à une plus grande compréhension de sa chronologie.

Le type “rond” de l’héroïne, le plus charnel et qui semble réagir à Blanchard, s’étoffe dans certaines gravures, comme pour Minerve dans le frontispice des Lettres du sieur Tristan (publié en 1642) ou dans le Retour d’Égypte de Rennes (1644).

Celui “carré” (pour les suivantes à gauche) prend pareillement de l’ampleur dans la Nativité déjà mentionnée de Barnard Castle (1639), dans le retable du Noviciat des Jésuites (aujourd’hui aux Andelys, 1641-1642). Ici comme là est à l’oeuvre un travail de densification raffinant les carnations en renforçant la puissance du type en même temps que l’ensemble des canons - et la source peut être la méditation de la statuaire antique.

Types “carrés”


Semiramis, 1637 - Uffizi

Montréal - Épinal

Tristan - Rennes, 1644


Semiramis, 1637 - Barnard Castle, 1639
Peut-on assigner une signification à ces types? Prétendre le faire avec certitude demanderait à tout le moins un inventaire plus complet suivant les présentations de profil, face, trois-quart, de dessous, etc., et leurs éventuelles associations ou fusion dans le temps; ce qui serait fort long ou conviendrait mieux à une étude spécifique, sur une période plus courte peut-être. Ici, je me contenterai d’indications sur lesquelles j’émets donc les réserves qui s’imposent.

On a vu que celui à l’ovale elliptique pouvait être mis en rapport avec une beauté quasi-désincarnée. Celui “rond” évoquerait plus volontiers le charme de la jeune mère, de l’épouse, bref, l’aspect terrestre de la Vierge, tandis que celui “carré” serait employé pour la dépeindre dans sa maturité plus morale que physique.

J’ai déjà relevé ailleurs les liens entre la pose de Vénus dans le tableau autrefois chez Pardo et celle de la Vierge du panneau conservé par le Musée des Beaux-Arts de Lyon dans lequel l’Enfant lui montre l’agneau présenté par saint Jean. Comparer - ce que Stella suggère par le fait - est à nouveau éloquent. La Vierge paraît plus distante, plus sage jusque dans l’arrangement très strict de sa coiffure - une spécialité de Stella qui en avait conçu un ouvrage gravé après sa mort par sa nièce Françoise. Le visage de Vénus se fait plus charnel en une combinaison des types “carré” et “rond” - confirmant le sens à donner à ces types : la sensualité est tempérée par la maturité morale, comme appui de son attitude pensive. Stella peint ici une Vénus mère de Cupidon et épouse de Vulcain, méditant sur le pouvoir de l’amour en touchant le bout d’une flèche conçue par son époux pour son archer de fils.

La comparaison des deux poses et les types, autant que les dispositions des personnages dans le sujet profane, incitent donc à lire ce dernier comme une déclinaison païenne de la Sainte famille dans l’atelier de Joseph, possible réponse à un commanditaire souhaitant là quelque pensée syncrétiste, qui associe un thème religieux et un autre païen pour en dégager le caractère universel.


Barnard Castle, 1639


Lyon, vers 1640


Vénus, 164(1?)

Fortune du Sommeil de l’Enfant Jésus.

Revenons à notre tableau, à sa thématique et à ses interprétations. Il se peut que la première version du Sommeil de l’Enfant Jésus soit née d’un contexte royal. Le tableau acquis par le musée de Lyon associe à l’adoration par la Vierge des angelots contribuant au spectacle, l’un en déposant des fleurs sur le lit, les deux autres en tenant le rideau supposé révéler autant que cacher cette image. Quelques détails enrichissent encore le thème : les bracelets et collier de corail, évoquant la protection accordée aux fidèles, et l’oreiller brodé au nom d’Anne d’Autriche, reine de France, à qui on peut supposer que cette protection soit destinée.
Tout ceci concourt à faire de ce tableau une célébration de la naissance de Louis XIV, comme évènement à caractère sacré, accompagnement de la part de la Reine du Voeu de Louis XIII, confirmé et proclamé officiellement en 1638. Mais il ne s’agit pas de représenter Anne sous les traits de Marie, ni Louis sous les traits de Jésus. L’un et l’autre ne sont pas caractérisés, il s’agit de représentations idéales - et dans le cas de la Vierge, du type le plus abstrait qu’ait pratiqué Stella.
La psychologie affichée est tranquille. La Vierge arbore une expression sereine, son Enfant sourit. Il tient encore de sa main gauche la pomme, symbole du pêché originel et donc évocation de son rachat par le sacrifice futur du Christ. Ce lien simple, le motif de l’angelot décorant le lit de fleurs et le détail familier de la couverture recouvrant la majeure partie du corps de l’enfant témoignent d’un sentiment religieux évacuant l’inquiétude, parce qu’il procède de cet événement.

Malgré le contexte artistocratique, le tableau de Lyon insiste finalement sur le cadre familier de deux événements distants de plusieurs siècles. La version d’Épinal est nettement plus dépouillée, évacuant les angelots et les différents motifs propre à la peinture royale. La couverture a également disparu, l’enfant a lâché la pomme dans l’abandon du sommeil, et il ne sourit plus. Cette attitude est désormais dévolue à la Vierge, dont les mains ne sont plus jointes mais sur la poitrine. Il ne s’agit plus d’une adoration, mais d’une soumission qui rappelle celle de la Vierge au moment de l’Annonciation.
Celle-ci porte toujours le type “idéal”, densifié, aux ombres moins tranchées, comme le coloris. Le bleu et le rouge emblématiques se sont éclaircis, ce dernier se transformant en rose suivant l’évolution de Stella dans les dernières années du règne de Louis XIII : on doit pouvoir situer cette peinture vers 1640-1642, pas très loin du retable des Andelys.
De fait, l’artiste semble proposer deux images en une liées par un relais majeur, la Vierge, soumise à la volonté divine qu’elle adore en l’Enfant. Le Christ est tourné vers nous, offert à notre regard dans le rapport à son destin futur - l’abandon du sommeil évoquant la mort, la pomme, sa passion, la nudité celle du corps préparé pour le linceul. Il semble s’être détourné de la Vierge, qui n’en sourit pas moins. C’est la méditation suggérée, qui passe par le regard d’une mère acceptant sans crainte que son enfant accomplisse une mission à l’issue pourtant tragique.

La version gravée par Bosse ajoute à l’“atticisme” de l’image d’Épinal une forme d’austérité, de sévérité dans l’impassibilité de la Vierge comme dans certains détails de la couche de l’Enfant qui pourraient évoquer une sépulture à l’antique. Cette fois, pas vraiment d’échappatoire. Et c’est une sorte de synthèse entre le type “idéal” (à l’ovale) et celui “carré” (notamment caractérisée par la lourdeur sous le menton) qui apparaît pour signifier, en effet, que Marie est là dans son incarnation idéale et mûre, une sorte d’image-type de la gravité maternelle.

C’est une forme de retour à l’idéal, tendant au monumental, que propose le tableau vendu à Troyes. S’il y a plus grande densité, c’est dans une émulation avec la sculpture antique. Dans le même temps, ce sur quoi repose l’Enfant devient de bois. Il semble que Stella souhaite parfaire son évocation de l’antique en allant au-delà de la simple référence, de l’érudition pour rejoindre la grandeur de la forme.

L’examen de l’oeuvre - car la reproduction la trahit sur cet aspect - révèle un travail des carnations d’une rare subtilité, en particuler pour l’Enfant. Stella joue sur ce contraste entre les textures - le bois, le tissu uni ou électrique, la chair. L’extraordinaire vie suggérée par le traitement de cette dernière quand il est évident, par ailleurs, qu’il s’inspire de la statuaire antique témoigne d’un effort qui va à l’encontre de la réputation de froideur qui lui est volontiers accolée.

La Vierge du Sommeil de Lyon


La Vierge du Sommeil d’Épinal


La Vierge du Sommeil traduit par Bosse


La Vierge du Sommeil vendu à Troyes


La Vierge du Sommeil de1654


L'Enfant du Sommeil vendu à Troyes

C’est peut-être l’un des paradoxes manifestés par l’artiste. Il appartient à un cercle particulier d’érudits amateurs d’art, dont les figures dominantes parisiennes sont les frères Fréart, pareillement liés à Poussin, partisans du classicisme le plus strict dans son observance des modèles antiques. Il a initié Paul Fréart de Chantelou à la gravure à la fin des années 1640. Tous professaient une admiration certaine pour Léonard. Or Stella semble avoir tiré parti de la connaissance du maître italien, au contact des collections royales, comme modèle typologique mais aussi pour travailler le traitement des ombres et des lumières jouant sur les carnations.

C’est bien cette double recherche - à l’antique, et sur la lumière - qui caractérise les dernières années de l’artiste, également marquées par une résurgence de l’art précieux de Florence, dans la chatoyance des tons. Le coloris du tableau de Troyes, qui montre une robe lie-de-vin fréquente dans les tableaux de dévotion de cette époque, demeure néanmoins sobre et doit s’inscrire dans une phase intermédiaire (entre 1645 et 1650).

Formes, coloris, typologie : ce Sommeil de l’Enfant Jésus, dont Stella donera encore une version dans laquelle une population strictement angélique remplace la Vierge (Le Mans, Musée de Tessé), livre ainsi certaines des clés de la création du peintre en France et de ses enjeux, son évolution et la diversité de ses réponses malgré une apparente similitude de style voire de composition. Les demandes particulières des commanditaires ou destinataires sont sans doute pour partie responsables de cette variété de signification mais il appartient au peintre seul de nous rendre chacune d’elle si facilement évidente.

Il faut y voir la marque d’un artiste majeur, dont chaque oeuvre est un questionnement et qui parvient à en dégager au fil du temps un style et un sens si personnel. C’est sous cet aspect que la double question de l’attribution et de la chronologie contribue à la compréhension de l’art, et on le voit, de façon essentielle. Car elle met en évidence le travail sur les formes, qui en est le fondement.

Sylvain Kerspern, Melun, octobre 2008

Courriels : dhistoire_et_dart@yahoo.fr - sylvainkerspern@hotmail.fr.
Vous souhaitez être informé des nouveautés du site? C’est gratuit! Abonnez-vous!
Vous ne souhaitez plus recevoir de nouvelles du site? Non, ce n’est pas payant... Désabonnez-vous...
.