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Sylvain Kerspern


À propos du Grand Cabinet de la Reine


du Louvre au temps de Marie de Médicis.




II. Les portraits « Médicis »





Mise en ligne le 26 janvier 2022



Dans un épisode précédent :
I. Peintres de Tasso au
Grand Cabinet de la Reine du Louvre

Progressivement, le partage des mains travaillant pour Henri IV et Marie de Médicis se précise. J'ai contribué, sur ce site, à éclaircir le travail de celles de Nicolas Baullery, de Jacob Bunel, d'Ambroise Dubois, et peut-être de Jacques Quesnel. J'ai, coup sur coup, identifié deux peintures incontestables de Guillaume Dumée passées sur le marché d'art. Ces différents travaux me permettent aujourd'hui de revenir sur les artistes actifs sur l'un des chantiers importants de la régence de Marie de Médicis, l'aménagement du Grand Cabinet de la Reine(-Mère) au Louvre, vers 1613-1614. Une première étude s'est focalisée sur les sujets romanesques tirés du Tasse. Ce second volet aborde les « portraits Médicis ».
C'est Henri Sauval (1724, II, p. 34) qui mentionne dans ce qu'il appelle une chambre l'association entre peintures posées sur le lambris et portraits des Médicis dans l'ancien appartement des Reines-mères mais sa mention, aussi précieuse soit-elle, est sans doute imprécise. La cause réside sans doute dans les modifications apportées par Anne d'Autriche, devenue elle-même reine-mère et régente, pour l'affecter à la (future) Reine.
Marie de Medicis pendant sa regence fit dorer une chambre dans l'appartement des Reines meres, & n'oublia rien pour la rendre plus riche, & la plus superbe de son tems : elle fut ornée d'un lambris, et d'un plafond; on y employa un peu d'or & de peinture : Dubois, Freminet, Evrard, le Pere Bunel, tous quatre les meilleurs Peintres de ce tems-là, deployerent tout leur art, autant par émulation entre eux, que pour faire quelque chose qui plût à cette Princesse; Evrard peignit les plafonds, les autres travaillerent aux tableaux qui regnent au-dessus du lambris doré, dont la chambre est environnée; & quelques peintres Florentins, firent après nature les portraits des Heros de Medicis, qu'on voit entre ces tableaux.
Avant d'aborder les portraits, il faut dire un mot encore des autres tableaux du lambris, et des auteurs cités, étudiés ici. Deux artistes sont communs à la mention de Félibien (1679), Bunel et Dubois. Que penser des deux autres? Le nom de Fréminet, comme l'a suggéré Cécile Scailliérez, vient peut-être de l'affinité stylistique avec l'art d'Honnet visible dans le dessin d'Olinde s'accusant devant Aladin. Celui d'Evrard ne semble pas s'appliquer aux sujets tirés du Tasse, puisque Sauval l'affecte au plafond. Plutôt que de penser, comme Emmanuel Coquery (2013, p. 19), à Charles Errard père, malgré ses liens avec Bunel dont il fut l'élève, je pense que Sauval fait une confusion avec le fils dont on sait qu'il a travaillé au Louvre au temps de la régence d'Anne d'Autriche, partie des éléments décoratifs de la chambre de la Reine ayant été remontés au Palais du Luxembourg (Lamy-Lassalle 1994); il est d'ailleurs plus particulièrement connu pour ses plafonds à Fontainebleau où l'or est profus, ou au Parlement de Rennes, pour ce qui subsiste.
On ne peut pas plus accréditer l'affirmation de Sauval selon laquelle les portraits alternant avec les sujets de la Jérusalem délivrée seraient dûs à des artistes florentins. Il faut plutôt suivre Anthony Blunt (1970) qui voyait dans les trois peintures qu'il a pu identifier à partir des mentions des inventaires de la couronne du début du XVIIIè siècle une culture franco-flamande propre au début du siècle précédent. La publication par Engerand (1899-1900) de ces documents place parmi les anonymes les éléments du décor du Vieux Louvre, Appartement de la Reyne mère tel qu'il subsistait au début du XVIIIè siècle (p. 569-571, n°163-178), scènes avec portraits sur les lambris (n°163-172) et éléments de plafond attribuables à Charles Errard le jeune (n°173-178). Les trois peintures identifiées sont aujourd'hui au Musée des Beaux-Arts de Dijon, au Musée national du Château-musée de Pau et au Musée Thomas-Henry de Cherbourg .

Ces mentions confirment la différence de format. Quatre peintures (n°163, 167, 169, 171) étaient comme celle de Dijon (n°167) plus larges. On peut imaginer que ces différences soient imposées par les huisseries. Il est probable que les illustrations de la Jérusalem délivrée, qui ne semblent déjà plus en place, soient pareillement sujettes à cette variation. Le seul tableau réapparu, Olinde et Sophronie libérés du bûcher de Guillaume Dumée (ci-dessous) respecte la hauteur mais est un peu plus large que les tableaux de Pau et Cherbourg et nettement moins que celui de Dijon : il pourrait y avoir là indice que nous ne le conservions plus dans toute sa largeur, ce que suggérait déjà le dessin plus large que haut.


Guillaume Dumée,
Olinde et Sophronie délivrés du bûcher, 1613-1614.
Huile sur toile, 114,5 x 99 cm.
Coll. part.

Guillaume Dumée,
Olinde et Sophronie délivrés du bûcher, 1613-1614.
Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun et d'encre de Chine et rehauts de blanc, 26 x 33,7 cm.
Ensba

« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Le mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche
Toile, 102 x 178 cm.
Dijon, Musée national des Beaux-Arts.

(Engerand p. 570, n°167 : le Mariage du roy Henri III en présence d'un evesque et plusieurs autres figures sur le derrière, un homme au bas tenant une toque noire; ayant de hauteur 3 pieds 7 pouces sur 3 pieds de long (corrigé sur un autre exemplaire de l'inventaire en 5 pieds de long, selon Blunt 1970))
« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Henri IV et le cardinal Alexandre de Médicis
Toile, 113 x 84 cm.
Pau, Musée national du Château-Musée.

(Engerand p. 570, n°166 : le roy Henry IV debout avec un cardinal et sur le devant un Pape que l'on couronne; ayant de hauteur 3 pieds 7 pouces sur 2 pieds 5 pouces de large)
« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Marie de Médicis et Ferdinand Ier de Toscane
Toile, 116 x 85,2 cm.
Cherbourg, Musée Thomas-Henry.

(Engerand p. 569, n°164 : Henri III et la Reyne, et sur le derrière la cérémonie d'un mariage, figures de 2 pieds et demi; ayant de hauteur 3 pieds 7 pouces sur 2 pieds 9 pouces de large)
En 2004, Paola Bassani Pacht a repris le dossier de ces trois peintures en produisant des propositions stimulantes et en convoquant trois artistes, François Quesnel (1543-1619), Nicolas Baullery (vers 1560-1630) et, plus surprenant mais bien venu, Louis Bobrun (vers 1580-1627) avec pour alternative Jacob Bunel. Les études publiées sur ce site apportent des éclairages qui doivent permettre de trancher certains points.
Henri IV et le cardinal de Médicis
Le tableau qui me semblait le plus difficile à juger réunit Henri IV et le cardinal de Médicis. Son état, une usure et des restaurations ayant apparemment écrasé les effets de volume ou de modelé, me semblait interdire toute hypothèse soutenable. Inviter Louis Bobrun dans l'équipe de ce que l'on peut appeler l'Atelier du Grand cabinet de la Reine-mère du Louvre m'a incité à reconsidérer son statut.

Parmi les éléments que le temps ne doit pas avoir trop affecté, le drapé est souvent décisif : celui du manteau cardinal jonchant le sol, en segments un peu mous de bourrelets ombrant un côté, ou celui raide et incisif du rideau tendu derrière les deux figures principales. Les mains, plutôt menues, aux doigts souvent repliées, index et majeur volontiers disjoints, les visages émaciés, allongeant la physionomie, devraient pouvoir également être pris en compte. Ces éléments forment les indices favorables à une restitution à Louis Bobrun, par rapprochement avec les dessins du Louvre (1616) et de l'Institut (1620), que l'artiste a lui-même gravées; avec les réserves de rigueur, étant donnée la rareté de son œuvre de peintre, et l'état du tableau.

Louis Bobrun,
Le prévôt et les échevins de Paris accueillant Louis XIII et Anne d'Autriche en 1616, 1616
Gravure, détail. Bnf.
Ici attribué à Louis Bobrun
Henri IV et le cardinal Alexandre de Médicis
Toile, 113 x 84 cm.
Pau, Musée national du Château-Musée.

Louis Bobrun,
Le prévôt et les échevins de Paris aux pieds de Louis XIII, 1620
Gravure.
Bnf.

Louis Bobrun,
Le prévôt et les échevins de Paris aux pieds de Louis XIII, 1620
Dessin, détail.
Paris, Bibliothèque de l'Institut.
Le mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche
Les deux autres peintures, malgré un état bien meilleur, n'en sortent pas pour autant plus facilement de l'anonymat. Je rejoins sans difficulté le rapprochement proposé par Paola Bassani Pacht du Mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche de Dijon avec une autre composition, conservée au Musée de Meudon, L'abjuration d'Henri IV (ci-dessous). Les deux montrent une perspective accélérée, en légère plongée - et peu vraisemblable. Les deux scènes se passent sur un pavement à degrés dont le dessin au sol, improbable, a pour principale vocation de permettre le motif anecdotique du garde nous introduisant dans la scène, à Meudon, ou commentant en contrebas à Dijon. On y voit des attitudes comparables, un homme qui se tourne en pivotant pour parler à la personne voisine, la pose détendue un bras sur le côté ou la tête s'inclinant sur sa droite, les yeux clos. Cette dernière tient aussi d'une typologie qui peut avoir fait songer à Bunel, par rapprochement avec certaines feuilles à lui attribuées. D'autres visages montrent des profils comme taillés à la serpe par l'ombre et la lumière, qui lisse les carnations. Les mains sont soit menues, soit aux doigts allongés démesurément. Ni l'un ni l'autre ne me semblent compatibles avec ce que j'ai publié sur ce site de (ou attribué à) Jacob Bunel ici ou , et comme Paola Bassani Pacht, je le pense d'une autre main que le tableau de Pau, que j'ai donné ci-dessus, avec prudence, à Bobrun; ce qui suppose encore un autre artiste.
France, début du XVIIè siècle,
L'abjuration d'Henri IV
Toile, 147 x 203 cm.
Meudon, Musée d'art et d'histoire.
« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Le mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche
Toile, 102 x 178 cm.
Dijon, Musée national des Beaux-Arts.
La recherche devrait être facilitée par l'existance d'un dessin préparatoire au Mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche au Cabinet des Estampes de la BnF. Il conforte le rapprochement entre les deux tableaux en recourant au même procédé de la personne repoussoir de dos dans l'ombre, coupée par le cadre. Une autre variante importante avec le tableau tient au décor, évoquant sommairement des architectures à puissantes colonnades et arc cintré, à l'antique, à senestre, que la peinture caractérisera en un intérieur d'église à voûtes nervurées de style gothique. La technique combine un trait nerveux, aussi bien au crayon noir qu'à la plume, et un lavis finement gradué et suggestif des volumes, de la lumière et des plans. Elle se retrouve dans une autre feuille dont l'attribution, suggérée par l'annotation en bas à droite, ne fait plus de doute depuis les recherches de Sylvie Béguin et Cécile Scaillièrez, et qui prépare l'Olinde et Sophronie délivrés du bûcher de Guillaume Dumée étudié dans le premier épisode de ce petit feuilleton d'histoire de l'art. On y retrouve aussi l'attitude remarquée dans les deux Mariages dessiné et peint du personnage se tournant pour s'adresser à son voisinage. Son dynamisme se retrouve dans une autre feuille au jeu de plume, parfois saturé d'encre, et de lavis fort proches, la Cène de l'Ensba.

« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Le mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche
Crayon noir, plume et lavis, 33 x 47 cm.
BnF, Réserve du Cabinet des estampes et des dessins.
Guillaume Dumée,
La Cène
Crayon noir, plume et lavis, 22,4 x 37 cm.
Paris, ENSBA.
Guillaume Dumée,
Olinde et Sophronie libérés du bûcher
Crayon noir, plume et lavis, 20 x 33,7 cm.
Paris, ENSBA.
On peut encore rapprocher, pour la peinture, l'un des tableaux pour Saint-Germain, Le banquet de Dicé (Louvre). Le schéma général avec niveaux différenciés, figure-repoussoir de dos dans l'ombre, perspective accélérée, à quoi s'ajoute le traitement « à la serpe » de certains visages forment un bagage qui semble décidément caractéristique de Guillaume Dumée. Le coloris est concordant en proposant une alternative venant conforter l'attribution du Mariage de Dijon, qui diffère de celui moins sonore de l'Olinde et Sophronie libérés du bûcher abordé dans le précédent article. Sur le plan formel, il faut noter un assouplissement dans les dispositions mais aussi dans le drapé en passant de la peinture à sujet littéraire pour Saint-Germain à celle pour le Louvre, qui peut suggérer une évolution du style : la première fait partie de la reprise du chantier de grande ampleur commencée par Toussaint Dubreuil mais laissé largement inachevé à sa mort, en 1602; les deux peintures pour le Grand Cabinet du Louvre sont généralement placées vers 1613-1614. On peut noter à nouveau l'attitude dansante, en pivot, de certains personnages et le traitement des visages qui nous sont désormais familier.
Guillaume Dumée,
Dicé offrant un banquet à Francus, 1602-1612?
Toile, 130 x 185 cm.
Louvre.
Guillaume Dumée,
Olinde et Sophronie libéré du bûcher, 1613-1614,
Toile, 114,5 x 99 cm.
Coll. part.
Ici désormais attribué à Guillaume Dumée,
L'abjuration d'Henri IV
Toile, 147 x 203 cm.
Meudon, Musée d'art et d'histoire.
Ici désormais attribué à Guillaume Dumée,
Le mariage de François de Médicis et Jeanne d'Autriche, 1613-1614.
Toile, 102 x 178 cm.
Dijon, Musée national des Beaux-Arts.
La réapparition récente du panneau peint Pasce oves meas, dont l'attribution que j'ai faite à Dumée est partagée par Cécile Scailliérez, conforte ces différentes remarques, ajoutant le parti de composition avec scène secondaire en rupture d'échelle. Sur cette trame, on ne peut qu'inviter à la comparaison des attitudes dansantes des plus petits personnages au fond.

J'ai évidemment conscience de différences notables. Certaines sont explicables par le genre dans lequel l'artiste s'exprime. Ainsi, la typologie des personnages de roman ou de la Bible doit s'effacer derrière le souci d'évoquer des personnages reconnaissables par leurs traits. L'Abjuration d'Henri IV en propose quelques uns qui, en dehors du roi, doivent provenir du contexte de la commande et de son ou ses responsables. Elle laisse tout de même passer ces profils aiguisés coupés à la serpe par la lumière qui se voient dans Le banquet de Dicé. Je pense, de fait, que ces deux peintures sont proches en date, vraisemblablement dans la première décennie du XVIè siècle. La même capacité d'adaptation doit opérer pour les contributions au Grand Cabinet de la Reine-Mère du Louvre, vers 1613-1614.

Or, on le sait, Guillaume Dumée eut une certaine réputation dans le portrait. Dans ce genre, on lui attribue volontiers une peinture incontournable pour le propos de cette étude parce que susceptible de servir de repoussoir à une proposition : celui collectif des échevins et du prévôt des marchands de Paris de Carnavalet. Il faut reprendre toutes les informations qui ont pu soutenir cette idée, les évaluer sans négliger la question du style, qui doit toujours avoir le dernier mot quand le lien avec le document conserve une certaine fragilité.
Guillaume Dumée,
Pasce oves meas
Huile sur bois. 131 x 97,5 cm.
Galerie Jacques Leegenhoek
La notice trop oubliée d'Eudoxe Soulié (1861) lorsque le tableau, depuis déposé à Carnavalet, était à Versailles mentionne en note (p. 313, n.1) le paiement de 500 livres à Guillaume Dumée, maître peintre à Paris, fait le 17 août 1612, pour avoir peint le prévôt des marchands et les échevins dans un tableau unique, tiré des Registres des recettes et dépenses de l'Hôtel de Ville de Paris. Est-ce une lecture en diagonale qui conduisit à contredire ce qu'il écrivait alors?
Malheureusement il existe dans ces registres une lacune qui s'étend de 1613 à 1623, période pendant laquelle a été peint le tableau du Musée de Versailles acquis en 1845...
L'identification des personnages s'appuyait sur les armoiries.
À droite les quatre échevins en robe noire, Robert Desprez en avant, derrière lui Pierre Clapisson, Israël Desneux et Claude Merault. À gauche, le prévôt des marchands Gaston de Grieu, et derrière lui le procureur du roi, Pierre Perrot, et le greffier François Clément; ils sont tous trois en robe rouge. Ces magistrats sont à genoux devant un autel surmonté d'un tableau représentant l'adoration des Mages. De chaque côté de l'autel, les statues de saint Paul et de saint Denis (...). Les armoiries qui se trouvent auprès de chacun des personnages représentés sont reproduites dans la Chronologie des Prévôts des Marchands, Echevins, Procureurs du Roy, Greffier et Receveurs de la Ville de Paris, par J. Chevillard, 1729.
Soulié devait connaître l'ouvrage de Le Roux de Lincy sur l'histoire de l'Hôtel de ville de Paris publié en 1846 et c'est sans doute sur la foi des informations y figurant qu'il affirme que le tableau qu'il commente ne peut être celui payé à Guillaume Dumée. La présence d'Israël Desneux et de Pierre Clapisson, élus en 1613, l'aura conduit à une telle réfutation. La coïncidence des dates de l'élection du nouveau bureau (16 août 1612) et du paiement à Dumée (le lendemain) aurait pareillement dû dissuader d'une attribution à Dumée : son tableau représentait nécessairement le bureau sortant, non celui nouvellement élu.

Je suis personnellement convaincu que l'artiste qui en est responsable est Georges Lallemant, qui avait peint un bureau précédent, celui de 1611 selon le paiement publié par Le Roux de Lincy et l'identification des personnages, dans un tableau conservé à Carnavalet. Son style s'est un peu assoupli deux ans plus tard dans les dispositions, le drapé se veut plus complexe, dans le sens de ce qui se voit dans un autre portrait collectif du bureau de la Ville de Paris, celui dans lequel il rend hommage à Sainte-Geneviève (église de Montigny-Lencoup, vers 1626).
Georges Lallemant (et non Guillaume Dumée),
Portrait collectif des échevins de Paris en 1613, 1614
Toile, 235 x 278,5 cm.
Paris, Musée Carnavalet.
Georges Lallemant,
Portrait collectif des échevins de Paris en 1611
Toile, 200 x 248 cm.
Paris, Musée Carnavalet.

Georges Lallemant et Philippe de Champaigne,
Le bureau de l'Hôtel de Ville de Paris aux pieds de sainte Geneviève.
Huile sur toile. 110 x 117 cm.
Montigny-Lencoup

Guillaume Dumée,
Pasce oves meas
Huile sur bois. 131 x 97,5 cm.
Galerie Jacques Leegenhoek
Georges Lallemant,
Sainte famille et un ange.
Huile sur toile.
115 x 94 cm.
Rennes, Musée des Beaux-Arts
Les confrontations ci-dessus, mêlant portraits et sujets d'histoire, devraient permettre de percevoir que le style du portrait collectif de 1614 est bien plus proche de celui du Lorrain que de Dumée. Peut-on expliquer la différence de sujet au retable de l'autel d'avec celui de 1611 du même Lallemant? L'Assomption peut correspondre au moment du renouvellement du bureau - en 1612, vers la date de sa célébration - selon une volonté stipulée dans le contrat. Qui sait si en 1613-1614, date du tableau de Versailles, la commande ne fut pas passée plus tard, vers le début de l'année, ce qui situerait sa réalisation dans les premiers mois de 1614. Quoiqu'il en soit, il faut définitivement renoncer à faire de Guillaume Dumée son auteur, et a fortiori d'en faire la pierre de touche de son talent de portraitiste, susceptible d'écarter son nom pour le tableau Médicis de Dijon ou celui de Meudon.
Marie de Médicis et Ferdinand Ier de Toscane.
Le troisième des portraits de famille Médicis pour le Louvre (ci-contre) est sans doute celui qui me laisse le plus perplexe. Dans l'enthousiasme des premières recherches à propos de l'Adoration des bergers de Fontenay-Trésigny, pour l'exposition De Nicolò dell'Abate à Nicolas Poussin (1988-1989), et dans la suite des publications d'Anthony Blunt, il m'a semblé évident de suivre l'intuition de l'historien d'art britannique au moins pour Marie de Médicis et Ferdinand Ier de Toscane du musée de Cherbourg. En 2014 encore, en reprenant les sources concernant l'artiste, je le faisais figurer pour illustrer sa participation au décor du Louvre rapportée par Félibien - mais avec réserve, comme attribué à.

Il faut dire que cet article inaugurait la reprise du feuilleton consacré à un artiste devant aboutir à la publication de ses œuvres les plus sûres. Au bout du compte, au moment d'en faire la synthèse en juin 2020, je ne l'y intégrais pas. Ce catalogue sommaire cherchait à rassembler ce qui me semble peu contestable et mettre en évidence un certain nombre de constantes visibles tout au long de sa carrière, des débuts pour Henri IV aux grands retables tardifs en passant par ses contributions avérées pour Marie de Médicis connues par la gravure. Ce qui caractérise ainsi son style ne se retrouve pas si nettement dans le tableau de Cherbourg. Je souhaite ici peser le pour et le contre, en commençant par ce qui semble, chez le maître de Jacques Blanchard, le plus proche de notre double portrait pour le Louvre.
« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Marie de Médicis et Ferdinand Ier de Toscane
Toile, 116 x 85,2 cm.
Cherbourg, Musée Thomas-Henry.
Léonard Gaultier d'après Nicolas Baullery,
Le couronnement de Marie de Médicis.
Gravure. 26 x 33,5 cm. BnF.
Jan van Haalbeck d'après Nicolas Baullery,
Le couronnement de Louis XIII.
Gravure. 28 x 38 cm. BnF
Dans le même registre du sujet historique contemporain, deux gravures donnent une idée de ce dont il était capable en 1610 : Le couronnement de Marie de Médicis gravé par Léonard Gaultier et Le sacre et le couronnement de Louis XIII de van Haalbeck. L'un et l'autre (ci-dessus) montrent, il faut le signaler, le style de l'excentrique Baullery comme lissé par le graveur. De l'inventeur ne subsiste, dans la première estampe, que les membres supérieurs qui se tordent, pour les gardes au premier plan, le goût pour les jeux de profils ou de têtes plongeant vers le bas sans autre justification que l'art, ou l'effet de foule multipliant à l'identique les têtes émergeant comme les vagues d'une marée humaine. L'ampleur du bâtiment exonère l'inventeur de souci de perspective pour laquelle il apporte d'ordinaire des solutions peu vraisemblables; encore ne faut-il pas trop prêter attention aux marches, ou à l'éventuelle conjonction de l'autel, du dais qui le surplombe et de la tribune des musiciens derrière eux.

Je ne parle pas ici d'une perspective à distance exagérément courte, telle celle que pratique Guillaume Dumée dans la même pièce du Louvre, mais bien d'une incohérence dont on peut se demander si elle n'est pas orchestrée. Elle est en tout cas manifeste dans la seconde estampe, par van Haalbeck, à voir l'autel, la chaise cathédrale et le dais. Leurs dispositions ne sont pas justifiées par le souci d'une restitution « réaliste », mais par la volonté de marquer les espaces : autel et fauteuil pointent vers la scène secondaire du fond, le sacre; le dais recouvre en l'isolant suivant un autre point de fuite celle principale du couronnement. Plutôt que l'usage vraisemblable d'un Brunelleschi, Alberti ou Piero della Francesca, Baullery emploie une perspective symbolique tel un Uccello.
Sur ces différents points qui devraient soutenir l'attribution à Baullery, le tableau de Cherbourg semble donc peu concordant. Son espace est correctement restitué dans la profondeur, y compris pour le muret à dextre ou le quai et ses ponts bordant le château à l'horizon, la tour circulaire et l'architecture classique servant de fond à la cérémonie, à la perspective cohérente. Le peintre cherche à différencier les protagonistes du mariage représenté au fond, non à les noyer dans une masse générique recourant au procédé un peu systématique pour les angles de vue des visages; point de main ou de bras à la torsion exagérée. Si ces comparaisons sont faites avec des compositions traduites par un graveur, se tourner vers les peintures assurées n'emporte pas plus l'entière conviction. Les Noces de village (un exemple ci-contre), qui pourraient apporter des similitudes fortes, par-delà une palette propre à la Seconde École de Fontainebleau, marquent surtout les différences, sur tous les points qui viennent d'être évoqués, à quoi s'ajoute, entre autres, le traitement schématique si caractéristique des visages ou des mains, qui n'apparaît pas à Cherbourg pour les anonymes.
Nicolas Baullery
Le cortège de la mariée arrivant à l’église.
Huile sur toile. 106,8 x 150.
Vente Christie’s Londres, 7 juillet 2000
Le pape intronisant le duc de Toscane (Pie V couronnant Cosimo?), dit à tort Le roi Henri III à genoux devant le pape, recevant de sa Sainteté une palme
Je travaillais sur cette étude lorsque pistant des documents pour un autre article du site concernant le catalogue de Jacques Stella, j'ai trouvé celui de Vanessa Selbach concernant la (re-)découverte de trois dessins documentant le cycle des « portraits Médicis ». Par les remarques faites ou dont elle se fait l'écho, elle ouvre de nouvelles perspectives que je souhaite ici développer.

Une feuille prépare le tableau de Cherbourg et les deux autres semblent des propositions pour un sujet apparemment mal lu par Bailly au début du XVIIIè siècle, qui y voyait Le roi Henri III à genoux devant le pape, recevant de sa Sainteté une palme. Le garde des tableaux du roi aura pris la couronne ducale de Toscane, ouverte, pour celle du roi de France, mais on peut remarquer que son dessin varie d'une feuille à l'autre, ce qu'il faudra expliquer.

Plusieurs questions viennent encore à l'esprit : l'alternative est-elle du même artiste et a-t-elle effectivement une destination semblable? la technique au lavis rouge employée pour l'une d'elles comme pour le dessin pour Ferdinand 1er et Marie de Médicis implique-t-il également une main identique? et que penser de ce type de lavis dont Dominique Cordellier a remarqué la pratique courante chez les cartonniers dans la préparation des tapisseries à propos d'un autre dessin du Cabinet des Estampes représentant des Épisodes de l'histoire de saint Denis? Enfin, quel crédit accorder au rapprochement suggéré avec le peintre Laurent Guyot (1570/1575?- après 1649), compère de Guillaume Dumée dans la charge de tapissier du roi accordé par Henri IV en 1610?

Pour y répondre, il faut d'abord étudier les trois feuilles retrouvées et les indices qu'elles peuvent délivrer. Vanessa Selbach a judicieusement intégré dans son article deux détails issus du sujet avec Marie de Médicis et de celui lavé d'encre jaune.
France, vers 1613-1614?,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis jaune (brun?).
Env. 43 x 31 cm.
BnF.
France, vers 1613-1614?,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm.
BnF.
« Atelier du Grand Cabinet de la Reine-Mère »,
Marie et Ferdinand Ier de Médicis
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm.
BnF .
Rapproché de Laurent Guyot
Histoire de saint Denis
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
33 x 33 cm.
BnF.
Tous deux montrent un profil droit barbu jouxtant la face d'un homme au chapeau qui nous regarde. Leur confrontation laisse peu de doute sur l'identité de main, dans la typologie, le repertoire vestimentaire ou la technique. Le motif des yeux tournés vers le spectateur pourrait suggérer un autoportrait glissé... que l'artiste supprimera dans le tableau. Cette remarque empêche de faire du type de lavis un élément décisif pour distinguer deux mains dans la représentation du sujet montrant le pape et le duc de Toscane. Au vrai, il est peu vraisemblable que deux artistes différents aient opté pour des dispositions si semblables pour les deux principaux personnages. Les trois feuilles redécouvertes doivent donc être de la même main.

L'examen de la couronne du duc doit tenir compte d'une information sur un élément essentiel de l'histoire des Médicis, la consécration de leur titre à la tête de la Toscane comme grand-duc par Pie V en 1569-1570, asortie du dessin de la forme voulue pour ladite couronne : rayonnante, elle portait en son milieu un lys rouge, symbole de la commune de Florence. Pour autant, Cosimo a ensuite rapidemment commandé une nouvelle version à son orfèvre Bylevelt dont doit témoigner le Portrait de la grande-duchesse Christine de Lorraine de Scipione Pulzone (Uffizzi, 1590). Aussi simplifiée soit-elle, celle du lavis rouge me semble plus proche du dessin initial que le jaune, dans lequel elle est moins « rayonnante » et plus ouvragée suivant une option assez peu ressemblante. Le fait que seul le premier soit mis au carreau tend à en faire une version revue et corrigée. On peut identifier le sujet comme représentant Le pape Pie V consacrant Cosimo grand-duc de Toscane en 1570, qui donne haut rang en Europe aux Médicis.
France, vers 1613-1614?,
Marie et Ferdinand Ier de Médicis et Le pape intronisant le duc de Toscane.
Dessins, détails. BnF.
Le pape intronisant le duc de Toscane, version 1?
Dessin. BnF.
Le pape intronisant le duc de Toscane, version 2?
Dessin. BnF.
Laurent Guyot, de la tapisserie au grand décor
Il faut en venir au style dans ce qu'il peut livrer pour la quête de l'auteur. Vanessa Selbach a reconnu sa main dans un autre dessin du Cabinet des Estampes évoquant L'histoire de saint Denis, à propos duquel Dominique Cordellier, le premier, a prononcé le nom de Laurent Guyot, selon un raisonnement dynastique courant à l'époque : il poursuivrait une technique au lavis rouge connue pour son oncle Henri Lerambert mort en 1608 par plusieurs feuilles du même fonds. Je pense être en mesure de l'étayer, pour avoir déjà travaillé sur cet artiste.
On situe d'ordinaire sa naissance vers 1575 en fonction du fait qu'il soit nommé peintre ordinaire du roi dès 1602 selon un acte de baptême relevé par Laborde (fiche 32761). Il devait être d'un âge voisin de celui de Guillaume Dumée, né en 1571, dont il épouse la fille en 1612, Jeanne, qui lui donne au moins deux enfants notés par Jal en 1615 (Jeanne) et 1623 (Louis) mais le fichier Laborde en révèle deux autres, Catherine, marraine dès 1628 (fiche 32768) et Laurent, parrain dès 1631. Catherine, qui se marie une première fois en 1638, et son père passent acte dans le cadre de la succession de Jeanne Dumée lors du dernier document connu qui mentionne comme vivant le peintre, au Minutier central des Notaires des Archives Nationales (8 juin 1649).

C'est en effet dans l'entourage d'Henri Lerambert que les documents situent le début des activités de Guyot, pour la tenture de L'histoire d'Artémise d'après Antoine Caron, en 1607. Un certain nombre de tentures qui lui sont attribuées souffrent de la difficulté de faire la part d'une collaboration d'avec son oncle (et Caron) ou son collaborateur et beau-père Guillaume Dumée. Ce n'est pas le cas de celle des Chasses du roi François, malgré les analogies avec les gravures d'Antonio Tempesta, source d'inspiration et non de copie. Qui plus est les recherches d'Isabelle Denis (1994) permettent de les situer dans les premières années de la deuxième décennie du XVIIè siècle, peu avant l'entreprise du Grand cabinet de la Reine-Mère au Louvre. Avant de les confronter, il faut ajouter que Guyot n'a pas été que cartonnier : en 1610, il avait candidaté pour les peintures accompagnant les cérémonies du couronnement de la reine, s'inclinant devant la proposition de Nicolas Pontheron; il travaille encore en 1640-1642 avec Noël Quillerier au décor de l'Hôtel parisien de Particelli.
D'après Laurent Guyot
Le départ à la chasse
Tenture des Chasses de François 1er, détail.
Chambord.
Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Marie et Ferdinand Ier de Médicis
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm. BnF .
Dans les quelques lignes que j'avais consacré à l'artiste, j'avais souligné déjà la franchise de son style, qui l'apparente à Dubreuil, Baullery ou Dumée et tranche avec les arabesques maniéristes de Fréminet, Dubois ou Honnet. La remarque vaut pour nos trois lavis. Le rapprochement ci-dessus en témoigne et propose des dispositions très semblables, avec le motif de l'échange de regards entre le page tenant le licol et un autre personnage qui en est séparé par un tiers au premier plan. Le fauconnier de dos propose chevelure et barbe détaillées en boucle qui se retrouvent dans nos trois feuilles, et notamment pour les gardes en avant-plan. On ne peut que souligner encore la similitude des chapeaux aux bords découpés, qui est celui de l'homme qui semble s'inviter dans deux dessins, comme cela a été remarqué plus haut et, pour le drapé, s'appuyer sur l'arrangement du manteau de François 1er. Les confrontations ci-dessous apportent d'autres rapprochements pour les attitudes plus ou moins démonstratives, certains types physiques ou pour les mains, le modelé lisse ou osseux des visages, les coiffures et les crevés. Ces différents éléments me paraissent confirmer qu'il faille prendre en considération une attribution à Laurent Guyot. Il y retrouverait son binôme cartonnier Guillaume Dumée, agissant dans le Cabinet comme peintre de roman aussi bien que de portraits historiques.
D'après Laurent Guyot
Le valet apportant un héron
Tenture des Chasses de François 1er, détail.
Chambord.
Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm. BnF .
Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis jaune (brun?).
Env. 43 x 31 cm. BnF.
D'après Laurent Guyot
Le tir à l'étang
Tenture des Chasses de François 1er, détail.
Chambord.
Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis jaune (brun?).
Env. 43 x 31 cm. BnF
Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Marie et Ferdinand Ier de Médicis
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm. BnF .
Ici attribué à Louis Bobrun mais finalement de Laurent Guyot?
Henri IV et le cardinal Alexandre de Médicis
Toile, 113 x 84 cm.
Pau, Musée national du Château-Musée.

Ici désormais attribué à Laurent Guyot,
Le pape intronisant le duc de Toscane
Crayon noir et lavis rouge (sanguine?).
Env. 43 x 31 cm. BnF .
Ces trois dessins réapparus, je dois l'avouer, ont ébranlé, ma proposition du Henri IV et le cardinal de Médicis à Louis Bobrun, aussi prudente soit-elle : l'arrangement électrique, si j'ose dire, du drapé au sol du prélat n'est pas si différent de celui de la robe de Cosme 1er dans la version rouge, même si le détail ne s'en retrouve pas dans les deux autres dessins. Il me semble que d'autres aspects, notamment la perspective ou l'arrangement des draperies et la pilosité ne vont pas dans le sens d'une attribution à Guyot, mais il faut, à nouveau rappeler l'état fatigué de la peinture de Pau. Je laisse donc à d'autres après moi le soin d'en décider, en espérant d'autres découvertes qui permettront de trancher.
C'est une sorte de boucle qui se referme ici, comme un point d'orgue, bien sûr, puisque ce qui m'a ramené dans le Cabinet de la Reine-Mère du Louvre au temps de Marie de Médicis tient à la personnalité d'un artiste que j'ai abordé il y a maintenant un tiers de siècle, Nicolas Baullery. Je me souviens de la réunion au Louvre des rédacteurs pressentis pour le catalogue de l'exposition De Nicolò dell'Abate à Nicolas Poussin voulue par Jean-Pierre Changeux pour le Musée Bossuet de Meaux à laquelle je m'étais rendu en compagnie de Patrick Poupel; en particulier de certains ricanements quand a été annoncée la limite demandée à la longueur des notices, supposant que pour Baullery ou Senelle, elle avait peu de risques d'être franchie ni même approchée. Dès le catalogue, nos notices avaient pu les faire taire, et depuis les recherches se sont accumulées, amplifiant la perception que l'on peut avoir de ces artistes.

La connaissance de l'art de ce temps s'est comme accélérée depuis, notamment grâce aux études de Dominique Cordellier, Cécile Scailliérez ou Paola Bassani Pacht, et Vladimir Nestorov, notamment, a d'ores et déjà saisi le sujet à bras le corps selon une vision globale de la période pénétrante. Ce sont ces différents regards, et les heureuses découvertes de deux peintures de Dumée et de deux autres de Bunel, qui m'ont conduit à entreprendre une étude récapitulative de ce que l'on pouvait savoir ou revoir à propos du Cabinet voulu par Marie pour son appartement au Louvre; et c'est bien le cas dudit Baullery qui m'a convaincu de le faire maintenant.

J'avais envisagé d'abord de partir du tableau de Cherbourg et de la gravure du Baptême de Louis XIII, compositions anonymes qui ont pu lui être attribués mais qui ne cadraient plus avec ce que j'avais réuni sur ce site. Puis sont apparus les Dumée et Bunel, inédits et encore anonymes pour trois d'entre eux, et j'ai inversé la problématique pour aborder les sujets tirés du roman du Tasse avant les portraits Médicis; et c'est avec Baullery, quoiqu'en négatif, que cette étude se conclut. C'est évidemment en travaillant sur son cas que j'avais été amené à m'intéresser aussi bien à Dumée qu'à Bunel, ce qui m'a permis les susdites attributions.

On trouvera ci-contre les œuvres dont les découvertes ont donné les impulsions décisives au développement de ce parcours. Elles permettent de comprendre que l'analyse du style - compositions, dispositions, gammes chromatiques, clair-obscur, détails propre à une manière, principalement - et de son évolution dans la carrière d'un artiste doit prévaloir et n'attendent, au fond, d'une signature que le couronnement d'une confirmation. Ainsi pour le Baullery et le Bunel de la vente de 2017.

Les propositions faites ici et dans le premier épisode de cette mini-série n'ont pas le même caractère d'évidence, en partie parce que les artistes proposés, Dumée excepté, ne bénéficient pas d'éléments de comparaison aussi abondants. Elles amorcent un regroupement qui permettra, je l'espère, d'étoffer leurs catalogues. Progressivement, au gré des attributions et jusque dans les erreurs, parfois judicieuses, se révélent des personnalités plus ou moins fortes, originales, témoignant de l'impulsion donnée par Henri IV et relayée ensuite par Marie de Médicis, nourrissant la fermentation d'une école française de peinture qui s'épanouira sous le règne de Louis XIII.

Sylvain Kerspern, Melun, janvier 2022

Nicolas Baullery,
L'adoration des bergers.
Toile. Fontenay-Trésigny, église.

Point de départ de mes recherches sur Baullery, dont j'avais identifié la main par comparaison avec la version de Toulouse avant même la découverte de la signature lors de la restauration.

Les deux Dumée récemment découverts qui ont permis une meilleure connaissance de leur auteur.
Jacob Bunel, deux Musique.

Tableau (à gauche) passée en vente en 2017 dont l'attribution à Bunel a été confirmée par la découverte de la version signée sur le marché d'art en 2019 (à droite).

Bibliographie :
- André Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres ..., Paris, t. III, 1679, p. 136-137
- Antoine Jean Victor Le Roux de Lincy, Histoire de l'Hôtel de Ville de Paris, Paris, (Deuxième étage), 1846, notamment p. 73, p. 212
- Eudoxe Soulié, Notice du musée impérial de Versailles, Paris, t. III (Deuxième étage), 1861, p. 312-313
- Fernand Engerand, Inventaire des tableaux du roy rédigé en 1709 et 1710 par Nicolas Bailly, Paris, 1899, p. 569-571
- Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724, II, p. 34
- Vicomte de Grouchy, « Les peintres Noël Quillerier et Laurent Guyot », Revue de l'art français ancien et moderne, 1892, p. 227-228.
- Anthony Blunt, « Three Paintings for the 'Appartement' of Marie de Médicis in the Louvre », The Burlington Magazine, 1970, vol. 112, n°804 (mars), p. 166-169.
- Nicolas Sainte-Fare-Garnot, « Noeël Quillerier, peintre...», Simon Vouet. Actes du Colloque. Paris, 1990, 1992, p.473-497.
- Colette Lamy-Lassalle, « Les grotesques du Salon des Jeux de l'hôtel de Villars, sous Louis-Philippe », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, année 1992-1, 1994, p. 281-288.
- Sylvain Kerspern 1993, notices sur Jérôme et Nicolas Baullery pour l’Allgemeines Künstlerlexikon, t. 7, p. 573.
- Isabelle Denis in Au fil du temps, Gien, Musée international de la Chasse, juin-octobre 1994, notamment p. 255-259.
- Sylvain Kerspern 1996, notice Laurent Guyot pour le Grove dictionnary of art, 1996 (Grove Art Online published online in 2003)
- Paola Bassani Pacht, notices 23-26 in catalogue d'exposition Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, Blois, 2004, p. 154-157.
- Caroline Callard , « La fabrication de la dynastie médicéenne » in Florence et la Toscane, XIVe-XIXe siècles : : Les dynamiques d'un État italien [en ligne]., Rennes, 2004, p. 399-418 (consulté le 22 janvier 2022).
- Emmanuel Coquery, Charles Errard : la noblesse du décor, Paris 2013, p. 19.
- Sylvain Kerspern, Les facettes de Baullery (2014) :1. Sources , Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne 8 avril 2014
- Sylvain Kerspern, Les facettes de Baullery (2020) :4. Baullery, parcours d'un grand seigneur , Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne 2 juin 2020
- Sylvain Kerspern, « Revoir Jacob Bunel », Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne 3 juin 2020
- Vanessa Selbach, « Trois dessins retrouvés documentant le cycle de tableaux des « héros des Médicis » commandés par Marie de Médicis pour le Louvre. », estampe.hypotheses.org, mise en ligne 5 janvier 2022
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com.
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