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Jean Senelle.



Mise en ligne le 14 mai 2019

La transcription d'actes recèle toujours une part d'interprétation, ne serait-ce que pour développer une abréviation, d'usage fréquent notamment chez les notaires. Depuis longtemps maintenant, je considère qu'il importe avant tout de rendre lisible un document que l'on publie, en sorte que je n'hésite pas à moderniser les mots ne posant pas de difficulté. Le scrupule d'une transcription sans en changer un iota, souvent une gageure, peut se comprendre lorsque le document n'est pas accessible. Sur ce site, je m'efforce de faire figurer une photographie qui permet de vérifier la justesse (ou non) de mon interprétation.

S.K.

Contrat d’apprentissage d’Antoine Paillet auprès de Jean Senelle, 25 avril 1640 (Arch. Nat., MC/ET/XXXV/218)
(F°1 r°) Fut présent Charles Paillet brodeur et vallet de chambre/
du roy demeurant à Paris rue l’Arbre-Sec paroisse Saint Germain/
de L'Auxerrois Lequel confesse pour le profit faire/
et dommage éviter à Anthoine Paillet son fils l’avoir/
baillé & mis comme serviteur et apprenti du jour d’huy/
jusques à cinq ans finis et accomplis et avec Jean Senelle Me peintre et sculpteur à Paris y demeurant/
rue du Mail paroisse Saint Eustache à ce présent qui a pris/
et retenu ledit apprenti auquel pendant ledit temps,/
il promet montrer, apprendre et enseigner à son/
pouvoir sondit métier (surchargé en) art de peintre et tout ce dont il se/
mêle et entremet en icelluy & pour ce faire le nourrir/
traiter, loger doucement et humainement comme il appartient;/
et ledit bailleur son père l’entretiendra de tous &/
chacuns ses habits, linges, chaussures, vestures & autres/
ses nécessités quelconques qui luy conviendront pendant/
ledit temps.

En faveur des présentes, ledites parties/
ont convenu et accordé ensemble la somme de cent/
quatre-vingt livres tournois, sur laquelle somme/
ledit preneur confesse avoir reçu dudit bailleur soixante/
livres tournois dont quitte; et le reste montant à la somme de/
six vingt livres ledit Bailleur a promis bailler & payer/
audit Preneur Savoir, d’huy en un an prochain moitié/
d’icelle et le reste montant à pareille somme ledict bailleur./
a aussi promis & promet bailler et payer aud. preneur/
un an après ensuivant le tout prochain venant.

À ce/
faire & fut présent ledit apprenti âgé de quatorze/
ans ou environ qui a eu ce que dessus pour agréable/
et s’y consent, promet bien apprendre ledit meétier (surchargé en) art/
son pouvoir servir sondit maîtree loyalement &/
fidèlement en icelluy et en toutes autres choses/
(F°1 v°) licites et honnêtes qu’il lui plaira commander faire/
son profit, éviter son dommage et avertir du contraire/
s’il vient à sa connaissance sans soi de fuir ni/
aller ailleurs servir pendant ledit temps, et en cas,/
ledit bailleur son père le promet chercher et le ramener/
à sondit maître si trouver le peut pour parfaire ledit temps/
de sondit apprentisssage et si a été plaint (?) par sondit/
père de toute loyauté & fidelité & prudhommie. /
Car ainsi... Promettant... & S’obligeant chacun endroict soi/
Renonçant... Fait et passé ès études des notaires/
soussignés L’an mil six cens quarante Le vingt-cinquième/
jour d’avril et ont signé

Paillet

J. Senelle         Antoine Paillet

Moufle, no.     Levasseur, no.



Jusqu'alors, on ne connaissait de maître à Antoine Paillet que Sébastien Bourdon, dans la vie duquel Guillet le mentionne parmi ses éèves. Le même auteur rappelle le discours lu autour du morceau de réception à l'Académie royale de peinture et de sculpture d'Antoine évoquant la batailles des Dunes qui eut lieu le 14 juin 1658. Les procès-verbaux de l'institution placent la présentation de sa candidature le 6 juillet 1658 derechef (ce qui suppose une précédente tentative que la publication ne mentionne pas); il est reçu avec son tableau le 2 août 1659, et dès juin 1660, proposé pour faire fonction de professeur.

Le document permet de situer un premier apprentissage autour d'un âge commun, 14 ans, ce que confirme la fiche Laborde de son baptême le 14 avril 1626. Traditionnellement, c'est l'occasion pour l'élève d'apprendre les rudiments du métier. C'est ensuite, au plus tôt à partir de juin 1645, qu'il doit compléter sa formation auprès de Sébastien Bourdon en lui permettant de participer à l'atelier en collaborant aux entreprises du maître.
Marché pour la confrérie de Notre-Dame de la Carolle, 25 avril 1641 (Arch. Nat., MC/ET/XXXV/380)

Marché       XXVe avril 1641

(F°1 r°) Fut présent en sa personne Jean Senelle Maître/
peintre et sculpteur à Paris y demeurant rue du/
mail paroisse St Eustache lequel a fait/
marché, promis & promet aux Maîtres Gouverneurs/
& Confrères de la Confrérie Notre Dame de la Carolle/
fondée et desservie en l’église St/
Eustache Martin des Champs ce acceptant par Pierre/
Faciot, Guillaume Liere, Jacques de La Vallée/
et Jacques Thorin, (en marge :) tant pour eux que pour Tous maîtres et gouverneurs/
de ladite Confrérie à ce présent de faire/
& parfaire bien et duement comme il appartient/
au dire d’ouvriers et gens à ce connaissant/

Un tableau peint en huile et sur toile +(au bas :) de neuf pieds de hauteur et de six pieds et demi de largeur) où/
sera représenté l’histoire et miracle de notre dame/
de la Carrolle suivant et conformément au/
dessein qui en a été dressé par ledit Senelle/
hormis que la représentation ++(en marge :) de l’autel & décoration/
d’icelle sera plus que de la moitié à l’ovale/
avec l’image de la Vierge entière comme/
elle est représentée sur ledit autel, Lequel/
dessein à cette fin a été paraphé par lesdites/
parties et notaires soussignés/
et données es mains d’icelluy Senelle; et/
outre promet ledit Senelle de mettre dans/
le cartouche qui sera mis au bas dudit/
tableau telle inscription en lettre façon d’or/
qu’il plaira auxdits Maîtres & Gouverneurs y faire/
(F°1 v°) mettre, et icelluy tableau rendre fait et/
parfait bien & duement comme dit est dans/
le jour et fête de St Jean Baptiste prochain/
venant à peine de tous dépens, dommages/
et intérêts,

Ce marché fait moyennant/
le prix et somme de cent cinquante/
livres tournois sur laquelle somme de cent cinquante/
livres ledit Senelle confesse avoir reçu/
desdits Maîtres & Gouverneurs la somme de/
quarante livres tournois des deniers dudit Faciot/
et Liere et d’honorable homme Pierre Huot/
et Pierre Béranger autres Maîtres de ladite/
Confrérie qui est pour chacun d’eux la/
somme de dix livres tournois à laquelle/
ils se sont volontairement fixés & fait don/
à ladite Confrérie pour ledit tableau, Et/
pour le surplus montant cent dix livres/
iceux Maîtres et Gouverneurs sus nommés/
promettent et s’obligent audit nom bailler et payer/
audit Senelle ou au porteur dans/
ledit jour de St Jean Baptiste prochain venant lors/
que ledit tableau sera entièrement fait & parfait/
reçu des deniers qui seront volontairement/
donnés par les anciens Maîtres & Confrères/
de ladite Confrérie et s’ils ne suffisent le/
surplus sera pris des deniers de la boîte/
(F°2 r°) d’icelle
(+ au temps de la/
recette desdits De la Vallée/
et Thorin, sans que/
la présente clause puisse/
préjudicier audit Senelle/
pour ce qui lui reste/
à payer dudit prix),
Et Reconnaissant lesdits Maîtres/
& gouverneurs que Charles Le Cointre aussi/
ancien Maître de ladite Confrérie a donné/
volontairement pour ledit tableau la somme/
de trois livres tournois,

Car ainsi, etc., Promettant, etc./
S'obligeant chacun endroit soy, etc., Et renonçant, etc., Fait et/
passé à Paris en l’étude, l’an XVIc/
quarante un, Le vingt cinquième d’avril/
(…)

Pierre Faciot     J. Senelle

J. dela Vallée     Lierre

Toutain, no.

Guénichot, no.



S'il fallait encore rappeler que Senelle n'est pas un artiste provincial, ce marché, avec celui du reposoir de la Place Royale en 1654, le démontre, et sa réalisation est confirmée par Saint-Aignan (ci-dessous) vers 1644, puisqu'il la cite parmi ses principaux ouvrages, le qualifiant d'excellent. Malheureusement, il est perdu.

Les gravures ci-contre illustrent le miracle de la Carole le plus connu : un désespéré agresse l'image de la Vierge au coin de la rue aux Ours, qui se met à saigner. Elle fut transportée à Saint-Martin-des-Champs en la chapelle Notre-Dame de la Carole derrière le choeur où était érigée la Confrérie royale des Bourgeois de Paris depuis 1302. La version de Jean Lepautre, de 1661, pourrait rejoindre la composition de Senelle mais l'autre gravure, retouchée en 1743 selon la lettre, reproduit l'image dans son aspect plus traditionnel, et non modernisé.
Jean Lepautre, Miracle de Notre-Dame de la Carole en 1418, gravure, 1661. BnF Gravure anonyme retouchée en 1743, Miracles de Notre-Dame de la Carole, gravure, détail. BnF
Toutefois, le témoignage le plus détaillé concernant cette chapelle avant la Révolution, par Jean-Aimar Piganiol de La Force (Description de Paris, de Versailles, de Marly..., Paris, éd. 1742, t. 5, p. 361-364; Description historique de la ville de Paris..., Paris, éd. 1765, t. 4, p. 22-24), pourrait conduire à l'identification d'un autre miracle, qui figure également dans la gravure de 1743 (détail ci-contre) et qui est rapporté par Jean Juvenal des Ursins dans son Histoire de Charles VI pour l'an 1393, qui se rattacherait à une autre statue que la Vierge de la rue des Ours. Piganiol mentionne un tableau dans la chapelle qui le représente, distinct de quelques « mauvais » tableaux, sans doute des ex-voto, montrant les miracles opérés par l'autre statue, qui l'a remplacée en 1418 ou peu après. La relation du miracle de 1393 entre en résonnance avec certaines précisions du marché.

En effet, le notaire indique que Senelle devra reprendre le dessin qu'il en a proposé : « la représentation de l’autel & décoration d’icelle sera plus que de la moitié à l’ovale avec l’image de la Vierge entière comme elle est représentée sur ledit autel ». Il n'est pas question d'une statue au coin de la rue mais bien d'un autel avec une Vierge dans une niche cintrée, telle que la montre l'image ci-contre. Si Piganiol semble autorisé à souligner la confusion manifeste entre les deux Vierges, celle-ci aura du moins bénéficié du pinceau de l'artiste dans une peinture qui semble encore visible en 1742, voire en 1765.
Le témoignage du manuscrit du frère Sébastien de Saint-Aignan vers 1644
(La seconde nature ou l'abondance de l'art admirable de la noble peinture en la création de nouvelle chose,
Paris, Inha, Fonds Doucet, Ms. 3)
Le grand Sinelle a fait deux grands tableaux 16 pieds/ de large 10 pieds de haut pour les confrères du St Sacrement/ de Toulouse, un excellent tableau du Miracle à St Martin des Champs/ à Paris, Un aux Récollets d'Orléans, la voûte de la chapelle/ Notre-Dame de Sainte Croix, nombre chez messieurs les Rousseaux, & le Feuvre
Le frère carme Sébastien de Saint-Aignan, qui a fait profession au couvent d'Orléans en 1620, nous livre un précieux témoignage sur l'art de peinture à Paris à la toute fin du règne de Louis XIII. Dans ce cadre, il accorde une importance assez inattendue à Jean Senelle, qu'il qualifie de grand et à qui il consacre ce petit paragraphe. Je reviens sur les informations qu'il apporte à la connaissance du Meldois dans l'étude qui accompagne ces documents. Ci-contre, l'un des grands tableaux pour la Confrérie du Saint-Sacrement de Toulouse, dont il confirme l'intuition partagée avec Patrick Poupel dans la Gazette des Beaux-Arts en 1991.
Baptême de Jean-Baptiste Senelle à Notre-Dame de Chaage, à Meaux en 1650
(5 Mi4429, page 26 en ligne)
Le 29 d'août de l'an 1650 a été baptisé Jean Baptiste Senelle fils de Jean/ Senelle maître peintre à Paris de présent (illisible) de Marguerite/ de Boulogne; Le parrain noble gentilhomme Jean Le Septier et noble damoiselle/ Jean (sic) Le Septier par moy soussigné sousprieur de Chaage

  f.N.Herbelin     J. Le Setier
Jeanne Le Setier



Document amicalement signalé par Jean-François Viel.
Ce baptême intervient cinq jours après l'inhumation, à Paris, de la belle-mère de Jean, Marguerite Pingret, au logis des Senelle, le 24 août. Le 26 octobre 1648, l'épouse du peintre est encore à Paris où est baptisée Angélique. Le 28 juin de l'année suivante, elle est marraine à Meaux. 1649 est aussi l'année portée avec sa signature par Jean au bas de la Déploration de saint Éloi toujours en place dans une des chapelles de la cathédrale briarde. Le 18 juin 1650, un chanoine de la cathédrale, Léonard de Facq, reçoit une promesse de Senelle pour une raison inconnue. Il se confirme donc que l'artiste s'est provisoirement réinstallé dans sa ville natale plusieurs mois au moment de la Fronde, peut-être au bénéfice de la livraison du retable susdit. Cela suppose aussi d'autres commandes mais aucune peinture conservée ne semble pouvoir correspondre à une situation si tardive.
Déploration de saint Éloi par sainte Bathilde, 1649.
Toile. 210 x 165 cm.
Meaux, cathédrale
Résurretion de Lazare.
Toile. 230 x 155 cm.
Villenoy, église
Pour mémoire, je rappelle que la Résurrection de Lazare de Villenoy pourrait être mise en rapport avec le mécénat de l'évêque Dominique Séguier, seigneur du lieu, et qui fait reconstruire apparemment l'église en 1648; mais le tableau, aussi accompli soit-il et même s'il partage avec le tableau de Meaux le réemploi de motifs tirés de la commande pour les Pénitents Noirs de Toulouse réalisée plusieurs années auparavant, ne me semble pas pouvoir se situer alors. Au demeurant, l'évêque de la L'invention de la Vraie Croix a aussi inspiré celui baptisant Clovis dans le tableau de Saint-Rémy-de-la-Vanne, de 1644 (ci-dessous)...


Sylvain Kerspern, Melun, mai 2019


Invention de la Vraie Croix. Toile. 300 x 658 cm.
Toulouse, Musée des Augustins

Invention de la Vraie Croix. Toile. 290 x 619 cm.
Toulouse, Musée des Augustins

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