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Autour de Melun - Recension d’exposition

Quel moyen-âge à Melun?



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QUEL MOYEN-ÂGE À MELUN?

Exposition jusqu’au 20 décembre 2009 au musée de Melun.
Mise en ligne le 12 décembre 2009


La question est curieusement posée, et pourtant elle résume bien la difficulté à cerner les contours de la mémoire du Moyen-Âge dans une ville dont le passé royal très réel est pourtant aujourd’hui évanescent. Cette exposition propose donc d’en apporter le témoignage, et ne manque pas d’arguments pour le faire.

Peut-être la découverte récente d’une troisième nécropole mérovingienne dans le nord de la ville, après le site Grüber près de la gare et celui de Saint-Liesne, aura-t-elle servi de déclencheur. Toujours est-il que la pièce majeure est certainement le sarcophage qui en est issu, daté des VI-VIIè siècles. La sculpture, le mobilier notamment issus des fouilles de ces sites funéraires, les documents - copies ou fac-similés - issus des collections municipales forment un ensemble archéologique cohérent et les atouts majeurs de l’exposition.


Boucle de ceinture, époque mérovingienne.
Melun, musée (origine : site Grüber, 1881).

Choix de présentation.

Elle pêche à mon sens par manque d’explications. Il y a deux scramasaxes travaillés par le temps. J’avoue que jusqu’à présent, je n’avais pas encore mémorisé le terme (une fois écarté le souvenir d’un personnage du journal de Spirou...), qui désigne un couteau franc.

Les copies d’actes concernant les édifices religieux, pour qui sait les lire (elles datent tout de même de l’Ancien Régime, et reprennent à l’occasion le latin), évoquent, ici, la situation désastreuse de l’Abbaye de Saint-Père en 991, là, les dégâts de la tour de l’église Saint-Aspais lors du siège par les Anglais de même que la date de reddition de la ville en novembre 1420; puis le début de sa reconstruction dans sa forme actuelle à partir de 1468, et les processions faites par l’abbé de Saint-Père pour contribuer, par les aumônes et les oblations, à son financement. Dommage de ne pas en faire état pour les non-paléographes.


Scramasaxe, époque mérovingienne.
Melun, musée (origine : Saint-Liesne, avant1967).

Les informations sont consignées dans des livrets plastifiés très bien faits mais seulement mis à disposition en un tout, et non pas localisés. S’y ajoutent quelques panneaux sommaires qui suggèrent simplement l’organisation thématique, évoquant notamment les établissements religieux, le château royal ou les rites funéraires. La question chronologique n’est évoquée que par un panneau introductif, et d’un point de vue strictement personnel, pour avoir fait des recherches pour le Parcours historique, j’aurais souhaité qu’elle soit plus nettement perceptible.

Apports chronologiques : Anglais, Bourguignons, Mérovingiens.
Il est vrai que j’ai une vision peu orthodoxe du Moyen-Âge, le faisant s’achever plus tôt que d’ordinaire - vers 1300. Il se trouve que c’est le moment où la présence royale à Melun, très importante depuis l’an mil, commence à décliner, par le fait du rattachement de la Champagne à la couronne de France. Je dois dire quand même deux mots de ce qui a pu être trouvé sur le site du quai Voltaire à l’occasion des travaux pour la Direction départementale de l’eau, datant du XVè siècle.

Siège et occupation anglo-bourguignonne (1420-1435)

L’armement semble y avoir cohabité avec un ensemble significatif de monnaies du XVè siècle, en particulier un Gros “Florette” de Charles VI datable de 1419-1422 et des pièces rattachées à Philippe Le Bon, duc de Bourgogne, allié aux Anglais. Il y a notamment un “niquet”, c’est-à-dire une pièce “noire” émise en double d’un gros d’argent, destinée à le remplacer dans le cadre d’une politique monétaire qui produit un affaiblissement des espèces. C’est apparemment le roi de France Charles VI qui prit l’initiative de ces mesures en août 1421, suivi de Henri V Lancastre, roi d’Angleterre. Il est vraisemblable que Philippe Le Bon ait dû s’aligner rapidement sur ce procédé.

Quoiqu’il en soit, il est extrêmement tentant de mettre en rapport les trouvailles de ce site avec le siège, puis l’occupation de Melun par les Anglais et les Bourguignons; de le confronter avec le tableau bien postérieur et très fantaisiste des collections municipales, montrant un campement au premier plan à droite, au sud ouest de Melun, sur un site par ailleurs connu comme “la Fosse aux Anglais” - au point que son nom a été donné à une rue aujourd’hui située sur le territoire de Dammarie-lès-Lys, où j’ai vécu deux ans.

Cette peinture ne doit surtout pas être prise comme un document historique : elle présente des architectures qui ne sont guère plus compatibles avec un siège lors de la Fronde, ou quelque siège de Melun que ce soit, d’ailleurs. C’est une sorte de commémoration vraisemblablement du XVIIIè siècle d’un moment essentiel de l’histoire de la ville : on se souvient que c’est alors que ses habitants méritèrent la sinistre devise encore aujourd’hui attachée à son blason : “Fida muris usque ad mures” (“Fidèles aux murs jusqu’aux rats”). L’exposition montre qu’ils ne leur ont pas été fidèles jusqu’à vouloir les maintenir debout...


Anonyme XVIII-XIXè siècle,
Vue fantaisiste du camp des Anglo-Bourguignons au siège de 1420,
hst. Melun, musée.

Sarcophage, époque mérovingienne. Pierre calcaire
Melun, musée (origine : rue Lucien Gaulard, 1989).


Ville royale mérovingienne?

À l’autre bout de la séquence, j’ai peine à croire que la propagation du christianisme ait été le fait de saint Aspais et saint Liesne à partir du VIè siècle. Il faut rappeler que Clovis a unifié un royaume franc de grande ampleur sous la bannière chrétienne, au bénéfice d’une conversion encouragée par son épouse déjà acquise à cette confession, ceci dès la fin du Vè siècle.

C’est dans le contexte de sa succession et de la division du royaume entre ses héritiers inconciliables que se placent les séjours supposés de Liesne et Aspais, envoyés de l’évêque de Sens dont Melun dépend spirituellement - alors qu’il est rattaché politiquement au royaume de Paris. Je ne m’étends pas sur la question pour l’avoir déjà abordée ailleurs, mais la lettre de l’évêque Léon de Sens, dans les années 530, montre bien que déjà, le christianisme est présent à Melun au point de devenir argument de luttes de pouvoir entre l’Eglise et le roi.

C’est probablement l’apport principal de cette exposition que de proposer un ensemble de témoignages de cette époque, qui montrent qu’avant les Capétiens, les rois Mérovingiens ont accordé une réelle importance à Melun, au point, par exemple, d’y installer un atelier monétaire ou de vouloir y créer un évêché.

Tête de sarcrophage à décor de croix pattée, époque mérovingienne.
Pierre calcaire. Melun, musée (origine : Saint-Liesne, 1977).



Exposer les pleins et déliés d’une histoire significative.

L’évidence de la situation stratégique, fondatrice de l’histoire de Melun par la narration de sa prise par Labienus durant la guerre des Gaules, ne s’est pas éteinte avec le Moyen-Âge, ni même l’annexion de la Bourgogne au XVè siècle. Les sièges et les destructions se seront poursuivis et auront contribué aux maints remaniements du paysage urbain, qu’il faut prendre le temps de parcourir pour y retrouver les aspects médiévaux subsistants. Il serait de fait souhaitable qu’un espace - pas nécessairement dans l’actuel musée et je pense bien sûr au Prieuré Saint-Sauveur - puisse être destiné à la présentation permanente des collections archéologiques de la ville, qui sont loin d’être négligeables.

S. K., Melun, 2 décembre 2009


Courriels : dhistoire_et_dart@yahoo.fr - sylvainkerspern@hotmail.fr.
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