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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com

Jacques Stella - Catalogue
France, oeuvres datées de 1639-40


Tables du catalogue : À Paris au temps de Louis XIII - Ensemble

Table Stella - Table générale

Mise en ligne le 31 mai 2016
Au temps de Louis XIII : les débuts du ministère Sublet de Noyers. Oeuvres datées de 1639-1640.
Le détail des références bibliographiques, en l’absence de lien vers l’ouvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie.
Frontispice pour Prolusiones..., 1639. Frontispice pour La mort du Cid, 1639 Nativité, 1639. Peinture (Barnard Castle) Frontispice pour les Oeuvres de saint Bernard, 1639. Dessin (Rome) Frontispice pour De imitatione Christi, 1640. Dessins (Louvre, Albertina, CP)
Frontispice de Ethicae Prolusiones
d'Agostino Mascardi (1590-1640), 1639,
publié par Sébastien Cramoisy

Mercure invitant Minerve, qui rengaine son épée, à entrer dans un édifice au fronton duquel est écrit : PROLUSIONES ETHICAE, tandis que Cupidon brise son arc.

Dessin perdu. Gravure par Jean Picart (Ioan. Picart incidit). In-12°. 14,5 x 21,2 cm.


Exemplaire : Rome, biblioteca Nazionale Vittorio-Emanuele.

Bibliographie :
* Marc Fumaroli « Réflexions sur quelques frontispices gravés d'ouvrage de rhétorique et d'éloquence (1594-1641), Bulletin de la société de l'Histoire de l'art français, Année 1975, Paris, 1976, p. 19-34 (avec erreur de date, 1636 pour 1639; rééd. in L'âge de l'éloquence, Paris, 1994, 325-342)
* Kerspern 1994, p. 126 (reprenant l'erreur de date)
* Isabelle de Conihout, Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006-2007 (Sylvain Laveissière dir.), p. 35, 40.
L'ouvrage forme une transition idéale entre les travaux de Stella pour l'édition du milieu barberinien et la production de l'Imprimerie royale, dont Cramoisy sera l'artisan privilégié. Le privilège est accordé le 6 décembre 1638, et la page-titre porte la date de 1639 : le dessin de Stella prend vraisemblablement place au début de l'année, même si on ne peut exclure qu'il soit de la fin de la précédente.

J'ai déjà rapproché son invention de différentes compositions : en 1994, en l'attribuant à Stella, des pendants pour Saint-Germain; dernièrement, de la Salomé de Ham House, de 1637. On peut y ajouter Bethsabée recevant le message de David pour les attitudes et les drapés de la jeune femme voilant l'héroïne et le messager. Ce rapprochement, alors que le tableau doit dater des années 1640, permet aussi, par contraste, de mettre en évidence la densité poursuivie lors des premiers temps en France dans le rapport de la figure au décor, qui respire plus amplement ensuite.

Le graveur Jean Picart, malgré une longue carrière qui couvrirait un demi-siècle, reste mal connu. Sa production est très diverse mais on le voit travailler pour Cramoisy dès 1623. En 1638, il avait gravé un portrait du cardinal Baronius édité par François Langlois. Il devait avoir un âge voisin de celui de Stella. Il fait preuve ici d'un métier solide et efficace dans la restitution du style de l'inventeur, dont il sert la mesure et la monumentalité.
Sainte Anne et la Vierge. Rouen, Musée des Beaux-Arts Saint Louis faisant l'aumône.
Bazas.
Salomé, 1637.
Ham House
Bethsabée recevant le message de David.
Coll. part.
L'invention de Jacques Stella est d'une grande sobriété, presque austère, servant admirablement le propos. Minerve et Cupidon renoncent à leurs incitations guerrières ou amoureuses pour répondre à l'invitation de Mercure à entrer dans une sorte de temple de la sagesse consacré aux questions morales. La porte marquée du titre au fronton évoque le livre comme lieu pour y parvenir : comme l'a noté Marc Fumaroli, elle propose une nouvelle approche de l'arc triomphal, qui était devenu le poncif des frontispices.

Son entrée n'est pas frontale mais sur un plan oblique : l'artiste ménage ainsi un parcours et dynamise sa composition, rompant décidément avec la symétrie de règle dans cet exercice. Au signe - marque d'un lieu glorifié -, Stella substitue l'expression concrète, quoique monumentale, de l'appel au lecteur, en lui suggérant le contenu; au motif architectural, le tableau. Si on peut penser que certains détails fassent partie d'un programme donné au peintre, la mise en image lui revient en propre.
Il suffit, pour s'en convaincre, de la confronter (ci-dessus) à la gravure du même Picart d'après un autre artiste (rapproché de Vignon mais pour lequel le nom de Jacques de Létin pourrait être envisagé) pour les Romanes dissertationes publiées par Cramoisy dans le même temps, et pour percevoir son degré de responsabilité dans la mise au point d'un discours iconographique clair, simple, mesuré et sensible. Il poursuit ainsi le travail accompli autour de 1630 pour les sermons romains.

S.K., Melun, mai 2016

Frontispice de L'ombre du comte de Gormas et la mort du Cid
de Timothée de Chillac (vers 1579?- après 1640), 1639,
publié chez Cardin-Besongne


Dessin perdu. Gravure par Jean Picart (À gauche : I. *. inve˜t; à droite : Ioan. Picart Sc.). In-12°.

Exemplaire : BnF.

Bibliographie :
* Isabelle de Conihout, Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006-2007 (Sylvain Laveissière dir.), p. 36, 40.

Le privilège du roi pour la publication de l'ouvrage est obtenu le 16 septembre 1639, l'achevé d'imprimé date du 26. Timothée de Chillac est un poète qui fit ses premières armes au temps d'Henri IV : son premier ouvrage est publié en 1599. Il se marie dix ans plus tard à Nîmes (Arch. Dep Gard, E 807, 1er février 1609). Il prend une charge de juge des gabelles du tribunal de Beaucaire, titre que lui donne le privilège du roi. En écrivant cet ouvrage, son ambition était de profiter du succès du Cid de Corneille, comme d'autres, en lui donnant une suite : l'ombre est celle du père de Chimène hantant les lieux après le mariage de sa fille avec Rodrigue, et dont l'intrigue expose la vengeance. Dédiée à Richelieu, la pièce ne semble pas avoir été jouée mais une seconde édition vit le jour dès 1640.

Stella représente l'ombre paternelle apparaissant à sa fille, qui marque la surprise en reculant et en levant les mains. Deux personnages portant un corps - celui du Cid? - apparaissent au fond, passant devant le portique d'un temple. La comparaison du traitement des enfants de ce frontispice avec celui pour l'ouvrage de Mascardi dit assez combien Picart pouvait varier dans son travail. L'image avait d'ailleurs tellement peu impressionné le bibliothécaire royal qu'il a cru bon de placer son tampon en son milieu... Malgré cela, on peut souligner à nouveau l'importance de l'architecture et son rapport à la figure humaine, ainsi que le souci de la mesure dans les attitudes pour souligner l'expression des passions. Il peut être judicieux d'en rapprocher le tableau de Pontoise montrant Le Christ et la Samaritaine (ci-dessous), que les documents disent d'ailleurs donné par Séguier la même année.


S.K., Melun, mai 2016

Nativité
1639
Huile sur cuivre. 65,4 x 80,6 cm.
Signé en bas à droite : I. STELLA F. 1639.
Barnard Castle, The Bowes Museum (U.K.)

Historique : Gravée par Pierre Landry (v. 1630-1701) avant 1661, selon l'adresse, source probable de la lithographie reprenant le saint Joseph par Ferdinand von Piloty (1786-1844). ?coll. John Bartie, vente Foster's, 20 juin 1838 (Nativité, des anges et des bergers à distance). Acheté le 9 juin 1865 à A.C. Lamer rue Drouot à Paris par John et Josephine Bowes; don de leur collection en musée en 1871.

Bibliographie (en dernier lieu) :
* Sylvain Laveissière in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006-2007, p. 123;
* Jacques Thuillier 2006, p. 106-107.
La Nativité du Bowes Museum est une oeuvre tout à la fois simple et savante. Les attitudes sont sans affectation, l'Enfant levant une fois de plus l'un de ses pieds. La présence des animaux, que la Contre-Réforme voudrait réduire, participe de ce climat tout en s'inscrivant dans une volonté de respect du decorum propre à une étable.

La même intention est source du cadre architectural, tentative de restitution d'un tel bâtiment, avec poutres étayées, appareillage de brique, et éléments de ruines antiques susceptibles d'un réemploi. Les volumes simples, aux arêtes vives, proposent un parcours reliant la Sainte Famille et les bergers, avertis au loin par l'ange, et passant par l'escalier. Les formes rondes des deux colonnes encadrant Joseph adoucissent l'âpreté du lieu et incarnent, en quelque sorte, son rôle protecteur. Elles marquent aussi l'ancrage à partir duquel doit commencer l'enfance et la destinée du Christ, s'agitant au spectacle des lumières célestes.

S.K., Melun, mai 2016

Frontispice pour les Oeuvres
de saint Bernard de Clairvaux, 1639-1640,
publié par l'Imprimerie royale


Dessin :
Rome, Istituto Nazionale di Archeologia et Storia dell'Arte (Inv. 109.007).
34,5 x 22,8 cm. Inscription sur la page du livre tenue par les angelots : SANCTI/ BERNARDI/ OPERA; au dos : J. Stella 1639(?) et Jay faict ce dessin pour le Roy par ordre de M. de Chantalou.

Gravure par Claude Mellan :
- État avant toute lettre : Metropolitan Museum; Collège de France; Albertina...
- État portant lettre (DIVI/ BERNARDI/ ABBATIS/ CLAREVALLIS/OPERVM sur la page du livre tenue par les angelets; PARISIIS ANNO MDCXL E TYPOGRAPHIA REGIA dans la marge, de part et d'autres des armes de France (Bnf, Rd2 saint Bernard; Saint-John's University and College Saint-Benedict...).

Bibliographie :
* Jacques Thuillier, «Poussin et ses premiers compagnons français à Rome» in Colloque Nicolas Poussin. Actes publiés sous la direction d’André Chastel, 1960, t. 2, p. 96-116.
* Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174
* Maxime Préaud, Bibliothèque Nationale. Département des Estampes. Inventaire du Fond Français. Graveurs du XVIIè siècle. Tome 17, Claude Mellan, n°318
* Isabelle de Conihout et Sylvain Laveissière in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006-2007 (Sylvain Laveissière dir.), p. 36, 40, 139.
La gravure de Mellan est sans nom d'artistes, et c'est Mariette qui nous en donne l'indication. Jacques Thuillier, dès 1960, a révélé le dessin de Rome, en rectifiant la date de l'inscription transformée frauduleusement au dos. Stella avait pris soin, en outre, de préciser les circonstances de la commande, en désignant le destinataire, Louis XIII, et l'intermédiaire, Chantelou.

Ces indications situent l'artiste au premier rang des faveurs de la couronne. La date montre qu'il a été sollicité avant même que l'imprimerie ne soit installée au Louvre, en 1640. Le nom de son interlocuteur, Paul Fréart de Chantelou, cousin et fidèle soutien de François Sublet de Noyers, qui vient de rencontrer Poussin à Rome et deviendra l'un de ses plus fidèles clients et amis, permet d'expliquer la présence du blason du ministre sur l'autel. Cette dernière reste une audace, dans un ouvrage commandé par le roi : elle doit témoigner de l'impulsion décisive de Sublet dans la mise en oeuvre de l'Imprimerie royale et de ses publications, tout en plaçant le patron des cisterciens dans son panthéon; elle souligne la place que celui qui était Surintendant des Bâtiments du Roi depuis 1638 réservait à Stella dans ses entreprises.

La gravure de Mellan, comme lui logé au Louvre, est d'une grande délicatesse : on ne peut qu'admirer le travail de la taille simple dont il avait fait son point d'honneur. Pour autant, ici et là, sa main est évidemment moins ferme que celle de Stella dans son dessin, et ce qui est intériorité tranquille dans les expressions chez l'inventeur se teinte d'un soupçon d'inquiétude ou de mélancolie dans la traduction.

Un détail précis pose question. Stella avait découvert le sein que la Vierge va presser, faisant allusion au thème traditionnel de la lactation de saint Bernard, comme le montre le trait indiquant le bord de sa robe. Il s'agissait tout autant de renvoyer à l'épisode légendaire d'une vision de Marie qui aurait laissé sur ses lèvres quelques gouttes de lait maternel, illustré littéralement par l'image, que de souligner l'importance du culte marial dans l'oeuvre du saint. Mellan en gomme la trace, en sorte que le geste n'est plus qu'évocation abstraite. Est-ce demande requise par la pudeur, erreur de lecture ou conséquence de la technique de l'artiste? Quoiqu'il en soit, une part de l'interprétation initiale du peintre s'en trouve affectée, et avec elle son sens de l'observation du quotidien.

L'univers formel de son dessin est celui visible dans le cuivre du Bowes Museum : souci du détail dans l'appareil architectural, rigueur de la perspective que viennent troubler apparition céleste et nuées. Dès sa première contribution à l'Imprimerie Royale, Stella reprend le principe du tableau-frontispice élaboré en Italie; et c'est tout naturellement qu'il prévoit le titre sur le livre tenu par les angelots. Celui-ci, que doit tenir en main le lecteur, apparaît alors clairement comme la conséquence de ce que souligne l'histoire qui forme son environnement : il est le fruit de la dévotion de Bernard autant que de la protection affectueuse de la Vierge, ainsi que de l'Enfant, qui le bénit.

Enfin, dès ce moment, après Saint-Germain et avant le Noviciat des Jésuites, Stella est confronté à Vouet, qui conçoit l'image pour le Nouveau Testament (à comparer ci-dessous). Le contraste entre le frémissement des lignes, toutes en arabesques, et la densité des volumes forme le plus simple des commentaires sur leurs mérites respectifs, et pour Stella, sur ce qu'il était en mesure d'apporter, depuis son installation à Paris en 1636, aux aspirations « classiques » naissantes chez Champaigne ou La Hyre. Notre artiste ne restera pas lui-même insensible aux volutes lyriques de son rival, qui contribueront aussi à l'élégance « attique ».


S.K., Melun, mai 2016

Frontispice pour
De imitatione christi,
(1639?-)1640,
publiées par l'Imprimerie royale


1. Étude d'ensemble, Louvre (Inv. 32895). Pierre noire, rehauts de gouache sur papier beige. 25,5 x 20,5 cm. Annoté en bas à droite à l'encre noire : Stella.
Historique : entré au Louvre à la Révoultion avec la saisie de la collection Saint-Morys.
2. Étude d'ensemble, Albertina. Mine de plomb, plume et encre brune, rehauts de gouache blanche. 30,2 x 20,7 cm. Annoté en bas à droite à l'encre noire : Stella.
Historique : coll. Albert de Saxe-Teschen (1738-1822).
Bibliographie :
* Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;
* Jacques Thuillier, «Poussin et ses premiers compagnons français à Rome» in Colloque Nicolas Poussin. Actes publiés sous la direction d’André Chastel, 1960, t. 1, p. 96-116;
* Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;
* Maxime Préaud, Bibliothèque Nationale. Département des Estampes. Inventaire du Fond Français. Graveurs du XVIIè siècle. Tome 17, Claude Mellan, Paris, 1988 n°183;
* Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006-2007, Sylvain Laveissière dir., p. 36, 40, 137-138;
* Sylvain Kerspern, dhistoire-et-dart.com, juin 2008.
3. Étude de l'ange et du chrétien, collection particulière. Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche. 13,5 x 10 cm, sur un assemblage de deux morceaux de papier.
Historique : Vente Millon Paris 11 juin 2008 (lot 38), acquis par l'actuel propriétaire.
Gravure par Claude Mellan :

- État avant toute lettre : BnF, Ed 32 b, p. 36;

- État avec écritures : DE IMITATIONE/ CHRISTI sur le tissu tenu par les anges, sous la Sainte Face; dans la marge : PARISIIS ANNO MDCXL à gauche de l'écusson aux armes de France; E TYPOGRAPHIA REGIA à droite. Bnf, Ed 32 b, p. 37, etc.
L'ouvrage est réputé sorti le premier des presses de l'Imprimerie Royale. Il est donc tout à fait possible que l'un des dessins préparatoires, sinon tous, anticipent quelque peu le frontispice de celui des oeuvres de saint Bernard, qui n'a que l'avantage de la date portée sur le dessin.

On peut aujourd'hui se faire une idée plus complète de la génèse de la composition gravée par Mellan, grâce à l'identification de la feuille de Vienne, publiée en 1993, qui suggérait qu'une pièce avait pu lui être rapportée ou en être détachée, laquelle a reparu sur le marché de l'art en 2008.



Dessin du Louvre.

Montage associant le dessin de l'Albertina avec celui en collection particulière, proposant une alternative pour l'ange et le chrétien.
Le dessin du Louvre propose une mise en place du sujet à la pierre noire, certains détails restant ébauchés. Même si les angelots n'ont pas encore trouvé les places qu'ils occuperont finalement, on voit bien que le principal point de préoccupation réside dans le couple formé par l'ange et le chrétien agenouillé. Son dessin est nettement plus fouillé et les rehauts de blancs viennent suggérer un aspect fini, suceptible de présentation. Stella choisit une pose statique pour l'ange, bien campé voire un peu raide, tandis que celle de l'homme est dynamique, comme s'il se redressait, tendu vers la croix et la Véronique.

Le dessin de l'Albertina montre l'ultime étape avant la gravure, puisqu'il lui correspond parfaitement en sens inverse. Selon les indications des catalogues de 2006, son quart inférieur aurait été rapporté pour corriger la partie qui, décidément, concentre son attention. Tout porte à croire que le fragment en mains privées correspond à la proposition initialement intégrée à cette feuille, puisque sa découpe s'emboîte parfaitement avec le rajout de Vienne, comme en témoigne la reconstitution ci-contre.

Au vrai, le fragment, déjà étudié sur ce site, suggère encore une étape intermédiaire, puisque l'homme agenouillé, peu ou prou le même que celui final, fut découpé d'une autre feuille pour y être collé. En dessous se trouve peut-être encore un stade antérieur. La réflexion source de ces modifications intervertit les rôles, conférant le mouvement à l'ange tandis que l'homme est désormais passivement agenouillé, mains jointes. L'attitude finale du premier se fait simplement moins familière, plus intériorisée, laissant le chrétien déjà absorbé dans son adoration.
Stella n'eut sans doute pas les coudées franches pour son projet. Néanmoins, certains aspects montrent clairement ce qui peut ressortir de son inspiration propre. Ainsi, l'abondante présence enfantine rejoint tant de putti et angelots déjà parsemés dans son oeuvre. Dans l'équilibre qu'il recherche entre ton familier et retenue source de dignité, on le voit progressivement privilégier la seconde, sans doute encouragé par son commanditaire.

L'invention demeure rare. Certains auteurs (comme Auguste Bernard) ont voulu voir dans l'homme la représentation de Louis XIII; Jacques Thuillier (2006) a cru pouvoir en rapprocher un autre dessin du Louvre, plus sûrement préparatoire à l'épisode du Christ au Jardin des Oliviers de la Passion entreprise à la fin de sa vie. Si l'analogie peut avoir été recherchée, la corne d'abondance aux pieds de l'homme donne la clé de la composition, qui se joue effectivement dans cette partie : l'ange l'invite ainsi à se détourner des biens matériels pour suivre l'exemple, quelque douloureux qu'il soit, du Christ, manifesté par la croix et le tissu de sainte Véronique sur laquelle sa face s'était imprimée; allusion possible, de fait, aux reliques rapportées par saint Louis.

Les angelots nombreux atténuaient déjà la gravité du sujet. Dans le processus qui aboutit au dessin de Vienne, on voit Stella accentuer ce refus de toute expression tragique, orientant le thème vers une forme de stoïcisme christianisé. C'est peut-être ce qui explique qu'au XIXè siècle, en l'absence des noms des artistes sur la gravure, l'invention ait pu être donné à Poussin. Celui-ci n'arrive pourtant à Paris qu'à la fin de l'année. S'il fallait encore convaincre de l'inanité de la réputation faite à Stella d'imititateur du Normand, le frontispice pour De imitatione Christi et ses préparations, en fourniraient sans doute l'un des plus formels démentis, voire un contre-exemple.

S.K., Melun, mai 2016

Table générale - Table Stella - Catalogue Jacques Stella : Ensemble - Au temps de Louis XIII (1636-1643), mosaïque
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