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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com

Jacques Stella - Catalogue
France, oeuvres datées de 1645


Tables du catalogue : Les débuts de la Régence (1644-1648) - Ensemble

Table Stella - Table générale
Mise en ligne le 2 septembre 2016 - retouches le 7 octobre 2016 ; le 1er juillet 2022
Christ retrouvé..., 1645. Peinture, Lyon Frontispice pour Eloges de tous les premiers présidents, 1645. Frontispice pour La mort de Chrispe, 1645. L'Église de France, gravure de Daret. Le baptême du Christ, 1645. Peinture et dessins Le triomphe de David, 1645. Dessin, Châlons-en-Champagne

Illustrations pour Office de la sainte Vierge
de Tristan (1646).
Les Les débuts de la Régence. Oeuvres datées de 1645.
Le détail des références bibliographiques, en l’absence de lien vers l’ouvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie.
Le Christ retrouvé par ses parents dans le Temple,
1645

Huile sur bois. 66 x 54 cm.

Signé vers le milieu à droite, au pied de la colonne : 1645/ FECIT/ IAC STELLA.

Historique :
?coll. Earl of Errol (armoiries de cette famille écossaise au dos). Chéteau de Touvet jusqu'en 1965. Germain Seligman, New York, jusqu'en 1979, acquisition par le musée de Lyon

Bibliographie :

- Anthony Blunt, The Burlington Magazine, juillet 1960, compte-rendu du « Colloque Nicolas Poussin », p. 331.
- Gilles Chomer, cat. expo. Rennes 1994, n°1.

- Sylvain Laveissière, Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006, p. 151.

- Jacques Thuillier 2006, p. 143-145
- Sylvain Kerspern, L'oratoire d'Anne d'Autriche au Palais-Royal, et la contribution de Jacques Stella, dhistoire-et-dart.com, mise en ligne le 21 mai 2014.
Compositions attestées pour l'oratoire d'Anne d'Autriche par ordre de sujets
Stella, Présentation de la Vierge au temple. Philippe de Champaigne, Mariage,
Lille, Musée des Beaux-Arts
Champaigne, L'annonciation, Met
Laurent de La Hyre, Visitation, Galerie Éric Coatalem. Sébastien Bourdon,
Fuite en Égypte,
Louvre
Bourdon,
Présentation de Jésus,
Louvre
Stella, Christ retrouvé..., Lyon, Musée des Beaux-Arts Simon Vouet,
Lamentation sur le Christ mort,
Paris, coll. part.
Pour les commandes concernant l'oratoire d'Anne d'Autriche au Palais Royal, voyez mon étude de 2014 et la notice de la Naissance de la Vierge. Quant au sujet, lisez mon texte autour du retable de Provins, notamment.

On pourrait croire que le précédent du retable des Jésuites, de 1642 (ci-contre, en bas), qui eut certainement un grand retentissement, ait amené le nom de Stella pour une contribution au décor de l'oratoire de la reine du Palais-Royal sur la vie de la Vierge mais il n'en est rien puisque la Naissance de la Vierge est datée de 1644 quand le panneau de Lyon est de 1645. Au demeurant, il y renouvelle entièrement sa composition.



Il en fait désormais une scène d'intérieur, jouant de la lumière pour expliciter son discours. Il distrait Joseph des échanges avec l'Enfant, accentuant l'importance de Marie. Celle-ci ne semble pas tant faire de reproches qu'interroger : ainsi se trouve escamotée son incompréhension du destin de son fils, au profit d'une humble demande. Elle redevient ainsi l'héroïne de l'histoire, double et modèle honorable pour la reine, mère du dauphin : elle doit veiller à l'éducation de quelqu'un qui, un jour, aura de plus grandes responsabilités, et que son statut de fils du défunt roi dote, d'ores et déjà, d'une haute inspiration.

S.K., Melun, août 2016
Frontispice pour
Eloges de tous les premiers présidents du parlement de Paris
de Jean-Baptiste de L'Hermite Souliers et François Blanchard, 1645,
publié chez Cardin Besongne

La Justice assise dans son trosne au pied duquel sont enchaisnés des criminels, frontispice de livre gravé au burin par Boullonnois (Mariette éd. 1996, p. 231).

Dessin perdu.

Gravure par Edme de Boullonnois (vers 1620? - après 1682?) In-folio.

- État avec inscription dans le cartouche au bas, A PARIS/ Chez Cardin Besongne au Palais au (sic) Roses Vermeilles; et les signatures entre les jambes de l'enchaîné de droite : Stella invenit Boullonnois fecit. Exemplaire vu : Paris, Bnf).

Bibliographie :
- Mariette, catalogues, voir Mandroux-França, Marie-Thérèse et Préaud, Maxime 1996

- Mandroux-França, Marie-Thérèse et Préaud, Maxime, Catalogues de la collection d'estampes de Jean V, roi du Portugal par Pierre-Jean-Mariette, Lisbonne-Paris, 1996 (t. II, p. 231); (ci-dessus cité en Mariette éd. 1996)

- Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (S. Laveissière, dir.), p. 39 (citation de Boulonnois parmi les graveurs du catalogue de Mariette), 41

Le privilège du roi est accordé le 14 janvier 1645 et l'achevé d'imprimer date du 22 mai suivant. Le dessin doit donc se situer dans le courant du premier semestre, éventuellement un peu avant.

L'auteur du travail de fond est François Blanchard, sieur de la Borde. Jean-Baptiste de L'Hermite-Souliers, frère de Tristan, s'est offert pour prendre en charge la publication, ce qui explique le choix de Stella pour son frontispice. Son co-auteur ne fut pas réellement satisfait de l'édition selon ce qu'il écrit dans sa préface à l'ouvrage qu'il donne dès 1647, Les présidens au mortier du parlement de Paris :
« Le petit traité des premiers présidents qui fut donné au public il y a deux ans, ayant été bien reçu, (bien que la facilité de celui à qui j'avais confié mes Mémoires, & qui l'a fait imprimer sous son nom conjointement avec le mien, y eut altéré plusieurs choses & inséré quelques généalogies mal justifiées) j'ai cru être obligé de continuer le même dessein, et de donner la suite des autres Présidents de la grande chambre, que nous appellons Présidents au mortier ou à mortier... »
En revanche, il réemploie l'image conçue par Jacques Stella et Edme de Boullonnois (elle sera encore reprise pour Les généalogies des maistres des requestes ordinaires de l'hostel du Roy du même auteur, publié en 1670). Le graveur est mal connu. Le catalogue de son oeuvre à la BnF par Weigert en 1939, qui songe à deux artistes de ce nom, ne mentionne pas notre frontispice, malgré un exemplaire aux Imprimés et la mention de Mariette, mais il est vrai que celui-ci ne précise pas le titre de l'ouvrage, que l'artiste a exclu de son dessin. Boullonois est pris en apprentissage en 1638 par Jean Humbelot, un graveur et éditeur qui traduit vers ce temps des ouvrages du jeune Charles Le Brun, dont le frère Nicolas avait épousé sa soeur; en sorte que sa collaboration avec Stella doit figurer parmi ses premiers ouvrages. Il se peut qu'elle soit la conséquence de l'abondance d'armoiries nécessaires à l'ouvrage de Blanchard : c'était apparemment une spécialité d'Humbelot.
Son métier, comparable à ce que l'on voit dans ses pièces satiriques, n'a pas l'aisance et la force des Daret, Bosse, Audran ou Rousselet, loin de là, en sorte que la densité de la composition de Stella ne passe pas totalement. Notre homme a localisé le Parlement par une vue sur Notre-Dame de Paris; sa représentation de la Justice nous domine, s'imposant à nous sans pouvoir nous regarder. Ce qui n'empêche pas Stella d'attirer notre attention par l'expression du captif au tout premier plan. Elle incite au rapprochement avec le Godefroy du frontispice de 1644, confirmant que cette époque est celle d'une puissance accrue du style, associée ici à l'allongement du canon, source de solennité.

S.K., Melun, août 2016
Frontispice pour
La mort de Chrispe
de François Tristan L'Hermite, 1645,
publié chez Cardin Besongne

L'Imperatrice Fauste; épouse de Constantin, déclarant son amour à Crispe, son beau-fils. Frontispice d'une tragédie intitulée La mort de Crispe, gravé au burin par Pierre Daret (Mariette éd. 1996, p. 230).

Dessin perdu.

Gravure par Pierre Daret. 21,3 x 15,1 cm. In-4°.

- État avec inscription au bas, sur le tapis, LA MORT DE CHRISPE, les armoiries de la duchesse de Chaulne en haut, sur le rideau; et les signatures en-dessous, J. Stella In (à droite) et Daret S.
Exemplaires : Lyon, B.M.; Bnf (ci-contre)...

Bibliographie :
- Mariette, catalogues, voir Mandroux-França, Marie-Thérèse et Préaud, Maxime 1996

- Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. III, 1954, p. 263, n°398

- Mandroux-França, Marie-Thérèse et Préaud, Maxime, Catalogues de la collection d'estampes de Jean V, roi du Portugal par Pierre-Jean-Mariette, Lisbonne-Paris, 1996 (t. II, p. 231); (ci-dessus cité en Mariette éd. 1996)

- Alan Howe et Madeleine Jurgens, Archives Nationales. Documents du Minutier Central des notaires de Paris. Écrivains de théâtre 1600-1649, Paris, 2005, notamment p. 57, 90 et 133-134, 138-139

- Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (S. Laveissière, dir.), p. 38, 41

- Jacques Thuillier 2006, p. 211

S.K., Melun, août 2016

Tristan, qui a contracté avec l'éditeur dès le 7 avril 1645, obtient le privilège du roi le 17 juillet 1645, l'ouvrage est achevé d'imprimer dès le 20. Alan Howe (2005) a fait le point sur la publication de cette tragédie après qu'elle ait figuré parmi les succès de la troupe de Molière.
Pour cette grâcieuse page de Stella, ami de l'auteur, je rejoins plus volontiers l'admiration d'Isabelle de Conihout que les réserves de Jacques Thuillier. L'artiste retrouve pour cette gravure le ton mi-héroïque, mi-romanesque de la Semiramis de Lyon (ci-dessous). On notera d'ailleurs qu'il partage avec la peinture sur marbre la partition de l'espace sur la largeur offrant une échappée latérale vers un espace voûté en plein cintre occupé par quelques soldats.



Depuis 1637, Stella a encore discipliné son drapé et affiné ses physionomies sur le mode antique. Le profil de Fauste, en particulier, vaguement boudeur, appartient pleinement à ces années, comme le montre la Sainte Hélène disparue de 1646. J'en rapprocherai à nouveau une autre peinture à retrouver, passée en vente comme école de Vouet, une Diane au repos dans la même veine (ci-contre en bas).


L'Église de France,
gravure de Pierre Daret

La Religion assise dans son trosne, sujet d'une vignette remplie d'ornemens, gravée par Daret (Mariette éd. 1996, p. 236).

Dessin perdu.
Gravure par Pierre Daret. 13,8 x 18,5 cm.
Au bas à gauche, Petrus Daret Sc.
Exemplaires : Bnf (ci-contre), Da. 20 fol. (p. 99; annoté Stella, b.g.); Pc. 2, fol. (p. 1, annoté Le Clergé)

Bibliographie :
- Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. III, 1954, p. 300, n°85

- Marie-Thérèse Mandroux-França et Maxime Préaud, Catalogues de la collection d'estampes de Jean V, roi du Portugal par Pierre-Jean-Mariette, Lisbonne-Paris, 1996 (t. II, p. 236)




Allégorie de l'Église de France,
gravure de Daret. 13,8 x 18,5 cm.
BnF

Il paraît difficile de dissocier le frontispice de La mort de Chrispe de cette vignette allégorique, tant la pose des deux femmes, leur type physique et le dessin de leur drapé sont proches, jusqu'aux dimensions proportionnées de la figure. Le même graveur capable de composer, Pierre Daret, a-t-il fait un montage à partir de l'illustration pour Tristan? L'image montre une telle cohérence dans l'accumulation des attributs et les dispositions dans l'espace que l'attribution de son invention à Stella, faite sans ambiguïté par Mariette et l'annotation sur l'exemplaire de l'album Da. 20 fol., ne peuvent être remises en cause.

Son interprétation du sujet, la Religion, en revanche, ne convainc pas autant et Weigert lui avait préféré l'Église. On peut le comprendre devant les tiares au sol et les clés de saint Pierre. La présence de la colombe tenant la Sainte Ampoule dans son bec, remarquée par le conservateur de la Bibliothèque Nationale, et les fleurs de lys du manteau de la jeune femme, permettent d'y voir l'institution ecclésiastique mais réduite au seul royaume de France. Elle ne fait pas que trôner : elle foule au pied un serpent et les débris d'une statue, soulignant son triomphe sur le paganisme et le péché; à moins que ces derniers ne soient une allusion au protestantisme, soit qu'il s'agisse de célébrer la paix religieuse retrouvée, ou bien qu'il faille y voir une position moins favorable à la présence d'une autre confession dans le royaume. L'image, d'ordre programmatique, sera peut-être éclairée par la découverte de son insertion dans un ouvrage, livre ou thèse, fournissant l'explication.

S.K., Melun, juillet 2022

La mort de Chrispe, frontispice gravé par Daret.
21,3 x 15,1 cm.
BnF
Le baptême du Christ, 1645
1. Tableau :
Huile sur toile cintrée à oreille. 370 x 203 cm. Paris, église Saint-Louis-en-l'Île
Signé et daté sur la pierre dans le fleuve : STELLA/FECIT 1645
Historique : commandé par les marguilliers de Saint-Germain-le-Vieux; saisie révolutionnaire; concession à l'église parisienne de Saint-Louis-en-l'Île (pour le détail, voir Mickaël Szanto in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (S. Laveissière, dir.), p. 154-155)
2. Dessins :
Plume et lavis bruns.
24,4 x 14,5 cm.
Coll. Part. (en 2006)
Plume et lavis gris, crayon noir.
27,3 x 15,1 cm.
Minneapolis, Institute of Art (2012.116.1)
Hist. : Rodman Gallery, New York, vendu à Richard L. Hillstrom, 1948; Rev. Richard Lewis Hillstrom, Edina, Minn. jusqu'en 2012; don au MIA.
Plume et encre brune, lavis gris.
27,6 x 14,8.
Louvre, RF 34728 (acq. 1971)

Bibliographie :
- André Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres..., Paris, 1666-1688, Entretien X; éd. Trévoux, 1725, t. IV, p. 411
- Mickaël Szanto in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (S. Laveissière, dir.), p. 154-155
- Jacques Thuillier 2006, p. 154-155 (!)
- Frédéric Cousinié, Le saint des saints : Maîtres-autels et retables parisiens du XVIIe siècle, Aix, 2013.
- Sylvain Kerspern, Antoine Bouzonnet Stella dessinateur : : deux nouveaux exemples, un nouveau regard. dhistoire-et-dart.com, mise en ligne le 27 mai 2015.


Frédéric Cousinié a donné des éléments d'historique complétant les propos de Félibien et la signature. Le coup d'envoi de la décoration du choeur est connu par le marché de menuiserie du retable et de la clôture du choeur en juillet 1644; la fin du chantier passe par le marché des colonnes du retable en juillet 1647. Le dispositif comprenait aussi des ouvrages de sculptures confiés à Gilles Guérin, notamment de grands anges qui s'adjoignaient à ceux du tableau (voir Guillet de Saint-Georges, in Dussieux et al éd., Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie royale..., Paris, 1854, t. 1, p. 260).

On peut se demander si, comme en d'autres circonstances, il n'avait pas donné le dessin général de la composition, mêlant architecture, sculpture et peinture, ce qui justifierait pleinement les propos de Félibien selon lesquels la commande daterait de 1644. L'oeuvre figure parmi les témoignages qui montrent que Stella, en Italie, pour Lyon, Paris ou ailleurs, n'a, en rien, renoncé à peindre pour les églises - pas avant le retable de Provins (1654), selon les propos du biographe.

J'ai analysé le travail de l'artiste dans mon étude sur deux dessins, dont un sur le même sujet, d'Antoine, son neveu, en soulignant notamment la singularité de la pose du Christ, semblant se détourner, comme pour annoncer la prière au Jardin des Oliviers - ultime confrontation angélique de Jésus à l'autre bout de sa vie publique. Il faut aujourd'hui un effort d'imagination pour se faire une idée du dispositif général qui ajoutait encore deux figures d'anges grandeur nature, de part et d'autre d'un Dieu le père dans la gloire, et deux de moindres dimensions sur l'entablement. On comprend alors que Stella propose une émulation sculpturale dans la lignée de ses préoccupations, tournées vers l'antique, très sensible dans le détail ci-contre. Celui-ci montre également le grand raffinement du coloris - argument de la supériorité de la peinture dans le paragone, la comparaison avec la sculpture -, et cette lumière laiteuse qui éclatait déjà dans le retable du Noviciat des Jésuites aujourd'hui aux Andelys. Cette gamme, ajoutée à l'élégance comme la plénitude des formes éveillent la comparaison avec le maniérisme toscan d'un Bronzino. On peut se demander si la réhabilitation de l'artiste n'aurait pas été plus rapide si ce tableau, de haute qualité en grand format, avait rejoint le Louvre à la Révolution, plutôt que d'être concédé à une église... où il finit par être attribué à son neveu!

S.K., Melun, août 2016

Le triomphe de David
1645
Tableau perdu , cité par André Félibien (1688, éd. 1725, t. 4, p. 412).
Dessin. Plume et lavis. 39,7 x 58 cm.. Signé et daté de 1645, transformé en N. Poussin fecit 1645
Châlons-en-Champagne, musée municipal, Inv. 887.24.1
Historique : coll. Élisabeth Liénard; entré au musée en 1887.


Bibliographie :
- Jean-Pierre Ravaux et Jean Fusier, Peintures des musées et des églises de Châlons-en-Champagne. 25 ans de restauration, Châlons-en-Champagne, 1997, p. 81, n°39 (Anonyme français XVIIè s.).
- Sylvain Kerspern, « L'exposition Jacques Stella : enjeux et commentaires », site La tribune de l’art, mis en ligne le 29 décembre 2006, fig. 31.
- Notice Base Joconde, 2010.






J'ai publié en 2006 ce grand dessin avec une mauvaise reproduction. Celle-ci est un peu meilleure et doit suffire pour convaincre. La feuille, marouflé sur carton, a souffert d'une trop longue exposition, ce qu'il doit sans doute à la main frauduleuse ayant transformé la signature de Stella en celle de Poussin.



Quoiqu'il en soit, le lien avec notre homme ne fait aucun doute. Parmi les rapprochements possibles, qui sont nombreux, je me contenterai de la Liberalité de Titus de Cambridge (ci-dessus) pour une scène de liesse dans un décor mi-paysager, mi-architectural peuplé de petits personnages comparable. Dès lors, il faut envisager que la date, elle, n'ait pas été modifiée, ce que le style confirme.

Le parti en frise ponctué par un élément d'architecture vue en perspective rappelle La naissance de la Vierge de Lille (1644) et Sainte Hélène faisant transporter la Croix disparue (1646). On remarquera dans cette dernière le groupe de spectateurs placé dans l'angle, la jeune femme de dos étant disposée de façon quasi-identique. L'esprit archéologique également commun participe d'une inflexion qui se développe alors.

Le format imposant de la feuille désigne certainement une importante commande. Deux mentions anciennes - peut-être pour une seule et même peinture - peuvent y correspondre : l'un des chefs-d'oeuvre de sa période parisienne selon Félibien, et le grand tableau inventorié en 1650 dans la collection de Particelli, avec une belle prisée à 200 livres, passé ensuite à sa fille Marie, épouse de Louis Phelypeaux de la Vrillière (David triomphant de la teste de Goliath; Arch. Nat., M.C., LXXXVI, 323, 1er août 1650; Arch. Nat., M.C., XI, 239, 29 août 1672).

De fait, il ne devait pas s'agir d'un simple tableau de cabinet. Le financier avait le même âge que Stella et figurait parmi les grands amateurs du temps. Il fait travailler en 1646 Rémy Vuibert à la galerie de son château bourguignon de Tanlay, ce qui suggère qu'il était particulièrement sensible au goût classicisant français inspiré par le Dominiquin et l'antique.
La composition de Stella insiste sur le gigantisme de Goliath, que ce soit par son imposante tête, ses armes qui la précède et le trophée d'armure qui suit le jeune héros. Sa solution est très éloignée de celle que Poussin peignit (Dulwich) dans le temps où Stella était encore à Rome, malgré la source commune puisée chez Dominiquin, admiration partagée par les deux amis. Il y glisse l'un de ses thèmes de prédilection, la danse manifestant la joie, et qui suggère également un goût déjà remarqué pour la musique. Si on peut penser qu'une telle composition, apparemment fameuse, ait eu quelque impact sur un Le Brun - aussi bien son propre Triomphe de David connu par un dessin au Louvre, que L'entrée d'Alexandre dans Babylone (Louvre), en particulier pour le groupe dans l'angle -, force est de constater que Stella donne à cet accent une ampleur qui lui est propre. Il impose, plus que jamais, l'idée d'un artiste à l'humeur plus volontiers enjouée qu'inquiète, aux antipodes de ce qui fut longtemps sa réputation, « froid et languissant »...

S.K., Melun, août 2016

Illustrations pour L'office de la Vierge, 1646. In-12
Dessins perdus.
Gravures d'Abraham Bosse.
- Frontispices et illustrations : env. 10 x 6,5 cm.
- Figures de saints et saintes : env. 4,6 x 3,3 cm.
- Bandeaux. : env. 2,5 x 6 cm.

Exemplaires : Londres, British Museum; Bnf, Da 20...

Bibliographie :

Mariette, éd. 1996 par Marie-Thérèse Mandroux-França et Maxime Préaud, Catalogues de la collection d'estampes de Jean V, roi du Portugal par Pierre-Jean-Mariette, Lisbonne-Paris, 1996, t. II, p. 215 (scènes et frontispices), 223 (saints et saintes), 235 (cul-de-lampe sur l'oraison...), p. 236 (cul-de-lampe bustes Vierge et Jésus)

- Georges Duplessis, Catalogue de l'oeuvre d'Abraham Bosse, Paris, 1859 (ci-dessous référencé GD).

- N.-M. Bernardin, Un précurseur de Racine. Tristan L'Hermite sieur du Solier (1601-1655), Paris, 1895, notamment p. 257-261.

- Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. I, 1939, p. 485-486, n° 117-165.

- José Lothe, « Les livres imprimés par Abraham Bosse » in Cat. expo. Abraham Bosse, savant graveur, Paris, Bnf - Tours, 2004, p. 51, 241

- Alan Howe et Madeleine Jurgens, Archives Nationales. Documents du Minutier Central des notaires de Paris. Écrivains de théâtre 1600-1649, Paris, 2005, notamment p. 132-133, 135, 138, 139, 140, 183

- Sylvain Laveissière, Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006, p. 38,41.

- Jacques Thuillier 2006, p. 211
Frontispice à la couronne florale et au blason d'Anne d'Autriche. Londres, Bristish Museum (GD 117 = GD 123) Frontispice aux putti et au livre. BnF (GD 118) (armes du comte de Saint-Aignan?) Frontispice à la Renommée aux armes de Savoie-Nemours. Londres, Bristish Museum (GD 119)
Frontispice aux armes du duc de Chaulnes. Londres, Bristish Museum (GD 120) Frontispice au rosier et au blason du duc d'Orléans. BnF (GD 121) Frontispice au cadre de laurier, British Museum (GD 122)
Illustrations des chapitres
Adoration de la Trinité, Bnf (GD 143) Le nom de Jésus, Bnf(GD 140) Le Saint-Esprit, Bnf (GD 138) Adoration du Saint-Sacrement porté par deux anges, Bnf (GD 141)
Dieu le père, Bnf (GD 137) Le commandement d'amour (dit aussi Moïse et Josué), Bnf (GD 125, Moïse et Josué) David jouant de la harpe, Bnf (GD 144) Le repentir de David, Bnf (GD 132)
L'annonciation, Bnf (GD 129) Vierge à l'Enfant, Bnf(GD 139) Saint Joseph et l'Enfant, Bnf (GD 147) Pietà, Bnf (GD 142)
L'ange gardien, Bnf (GD 127)
Saint Louis (GD 145) Saint Pierre, Bnf (GD 146) Sainte Agathe, Bnf (GD 156) Sainte Agnès, Bnf (GD 159) Sainte Barbe, Bnf (GD 155) Sainte Catherine, Bnf Bnf (GD 152) Sainte Cécile, Bnf (GD 165)
Sainte Clotilde (GD 149) Sainte Dorothée, Bnf (GD 157) Sainte Élisabeth, Bnf Bnf (GD 151) Sainte Geneviève, Bnf (GD 163) Sainte Hélène, Bnf Bnf (GD 150) Sainte Lucie, Bnf (GD 160) Sainte Madeleine (GD 164)
Sainte Marguerite, Bnf (GD 158) Sainte Suzanne, Bnf (GD 154) Sainte Thècle, Bnf (GD 153) Sainte Thérèse, Bnf (GD 161) Sainte Ursule, Bnf (GD 162) La Vierge allaitant, Bnf (GD 148)
Bandeaux
Deux têtes d'anges soutenant une guirlande de fleurs (GD 130) Des anges jouant de différents instruments, Bnf (GD 135) et lettre K (GD 136) Arabesques au milieu desquels on voit une têtre d'ange (GD 133)
Culs-de-lampe (GD 127)
Bustes de Jésus et de la Vierge dans deux médaillons ovales (GD 124) Un ange qui soutient une corbeille remplie de fleurs et de fruits (GD 126) Une couronne de fruits, de roses et d'épines entrelacées ensemble, symbolisant LE JEVNE, L'ORAISON, L'AUMONE (GD 128)
Il s'agit d'une des entreprises les mieux documentées de Stella, sollicité, avec Abraham Bosse, par son ami poète François Tristan L'Hermite (1601-1655). L'image ci-contre, glanée sur Internet, donne une idée des dimensions.

Trois marchés échelonnés du 8 décembre 1644 au 14 novembre 1645 témoignent d'une élaboration progressive de l'illustration de son ouvrage de piété, en sorte que s'il n'est imprimé et publié qu'en 1646, ses illustrations doivent être réalisées dans le courant de l'année 1645. Les deux premiers mentionnent à chaque fois 8 planches - ce qui en fait 16, et le dernier dit le tout encore augmenté. Malheureusement, aucun exemplaire complet ne semble avoir été conservé - le prix des images semblant avoir incité à les en distraire. Il faut donc faire un travail de recollection qui, sans être tout à fait achevé au moment de la mise en ligne initiale, livre déjà suffisamment d'éléments pour en bien juger.

Il faut d'abord soulever une redite dans l'ouvrage de Georges Duplessis de 1859, simplement et sommairement copié par Weigert en 1939 : leur numéro 117 et 123 ne concernent qu'une seule et même image, celle dédiée à Anne d'Autriche (ci-contre en haut à gauche). Ensuite, je me demande si les lettres grises peuvent raisonnablement être dites de l'invention de Stella. À la différence de celles de l'Imprimerie Royale, elles n'offrent aucune scène à composer; ce qui ne me paraît pas correspondre à la mention figurant sur la page-titre à la bordure de laurier tressé : « Enrichy de Figures/ Dessinées par le Sr. Stella »

Ensuite, il faut s'interroger sur les deux séries initiales de huit images, qui devaient avoir une certaine cohérence, et sur la nature du complément final. On ne peut que remarquer un ensemble de huit gravures proposant une scène à personnages vue dans un cadre ovale, dont pas un ne ressemble à un autre. Resteraient cinq images, parmi les « grandes »; à quoi devaient s'ajouter au moins un - ou trois? - frontispice(s). On peut d'ailleurs penser que dans le supplément figuraient certains d'entre eux selon les dédicataires sollicités pour financer l'ensemble. Mais bien sûr, il se peut aussi, tout simplement, qu'il s'agissait d'illustrer un texte lui-même en cours d'élaboration, mêlant alors à chaque fois scènes, bandeaux et cul-de-lampes...

Qu'elle corresponde ou non à une répartition chronologique, une organisation thématique se dessine, entre sujets de dévotion et emblèmes à vénérer (la Trinité, Dieu le père, Jésus, le Saint-Esprit, le Saint-Sacrement). Il faut s'interroger sur le n°125 de Duplessis, qui reprend les notes de Mariette (éd. 1996, p. 215) : Moïse et Josué, certes, en ce qu'ils incarnent, l'un, une parole divine incarnée résumée dans le commandement que Jésus donne en remplacement de l'ensemble recueilli par le législateur des Hébreux sur la montagne, même s'il a sa source dans l'Ancien Testament; et l'autre, la royauté, qui doit, comme les autres, se soumettre à ce commandement.
Les images de saints plus petites rassemblent des personnages presque exclusivement féminins : Pierre forme modèle pour la chrétienté, Louis, pour la royauté, répétant en quelque sorte le couple Moïse-Josué. Il faut dire que l'ouvrage s'adressant d'abord à la reine, cela se traduit dans le choix et la représentation avec couronne de Catherine, Clotilde, Hélène, Élisabeth de Hongrie et Ursule. Et comme il s'agit d'une régente, l'accent est mis sur l'enfance, Jésus n'apparaissant adulte dans les images principales que dans la Pietà. On comprend, par le fait, qu'il ne s'agit pas simplement du témoignage de la piété du poète mais bien d'un ouvrage sinon politique du moins courtisan. De fait, Tristan fut reçu au début de 1647 par la reine, selon la Gazette de Renaudot.

Cet ensemble souffre sans doute de la comparaison avec les chefs-d'oeuvre de l'Imprimerie royale. Il ne mérite pourtant pas, selon moi, le jugement sévère de Jacques Thuillier, ni, en tout cas, d'être négligé car il apporte autant d'éléments significatifs des recherches de l'artiste, notamment dans sa typologie. On peut se demander si les bustes de saints n'ont pas ravivé le souvenir des « camayeux » et favorisé un allongement du canon sensible dans le cou, pour conforter l'autorité de ses personnages. Son David jouant de la harpe fut, en tout cas, estimé suffisamment pour susciter une copie en sens inverse chez Plantin à Anvers dès 1657.
La variété de son inspiration se ressent, une fois de plus, dans les divers frontispices donnés à l'ouvrage, dont certains figurent parmi ses réussites peu contestables.
L'envol de la Renommée au-dessus d'un jardin évoquant aussi bien l'Eden que l'hortus conclusus symbole de la Vierge ne manque ni de fraîcheur, ni d'élégance. Les deux autres montrant un autel, propre à un livre de dévotion portatif, s'amusent des échelles. Celui aux putti tenant les armes de la famille de Chaulne fait apparaître dans la niche un grand ange montrant un drap qui doit faire songer au suaire autant qu'à la résurrection, au-dessus d'une énorme guirlande accrochée à de fines colonnes purement ornementales. C'est avec humour que Stella place un livre monumental sur la table de l'autre frontispice évoquant un oratoire, inversant le rapport réel du livre voulu par Tristan au lieu de son usage.

S.K., Melun, août 2016

Frontispice à la Renommée aux armes de Savoie-Nemours. Londres, Bristish Museum (GD 119) Frontispice aux armes du duc de Chaulnes. Londres, Bristish Museum (GD 120) Frontispice aux putti et au livre. BnF (GD 118) (armes du comte de Saint-Aignan?)
Table générale - Table Stella - Catalogue Jacques Stella : Ensemble - Les débuts de la Régence (1644-1648), mosaïque
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