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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com

Jacques Stella - Catalogue
France, oeuvres rejetées

Catalogue : Ensemble - Table Stella - Table générale
Début de mise en ligne le 12 juillet 2016; mise à jour, janvier 2022
Attributions réfutées sur cette page
Vénus et Adonis, dessin, 1626. Frontispice pour les comédies de Térence, 1642.
A. Bosse
Frontispice pour Parva christiana... (Heures Louis XIII) In-16, 1643.
A. Bosse
Salvator cogitanti, dit aussi Le sauveur du monde, peinture.
Louis de Boullogne
Autres attributions réfutées sur ce site
Copie (XVIIIè s.?). Daniel Sarrabat. Pierre de Sève. Simon François. Lubin Baugin.
Oeuvres rejetées.
J'avais annoncé que je ne ferai pas de section particulière pour les oeuvres données à Stella qui ne sont pas, selon moi, de sa main. S'il n'est toujours pas question d'en faire un recensement exhaustif, tant les attributions abondent sur son nom en fonction de critères ayant souvent peu de rapport avec le style (support précieux, iconographie religieuse, copies de Poussin...), je m'aperçois que le rejet de certains ouvrages, notamment ceux mentionnés dans les deux catalogues de 2006, ne peut se limiter à leur absence sur ce site : il faut le motiver, expliquer en quoi ils peuvent s'inscrire dans une problématique et une culture artistique fondamentalement différentes. C'est aussi, en creux, faire connaître l'idée que l'on peut se faire de l'artiste - en tout cas, celle que je défend, au fur et à mesure de la mise en ligne du reste du catalogue.

S. K. juillet 2016

Le détail des références bibliographiques, en l’absence de lien vers l’ouvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie.
Vénus et Adonis,
1626

Dessin. Plume et lavis brun, 14,5 x 9,5 cm. Bremen, Kunsthalle (40/552)

Bibliographie :


- Sylvain Laveissière et Mickaël Szanto, cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006, p. 44
L'attribution repose sur l'inscription au bas du dessin. Malgré une facture et des types passablement déroutants, il fallait la prendre en compte tant que la carrière italienne gardait des zones d'ombres, ce qui n'est plus le cas. Le temps d'un nouvel examen est donc venu.

La date est claire. Elle est placée tout près d'un blason, qu'il faudrait expliquer pour un dessin préparatoire. La reproduction ci-contre l'associe aux indications portées sur le montage, donnant les dates de l'artiste : il semble bien qu'il s'agisse de la même main, ce qui exclurait celle de Stella lui-même.

Il ne peut pas plus s'agir d'une invention de l'artiste ainsi documentée : la composition reprend pour l'essentiel l'une de celles conçues par Veronese sur ce thème, connue par la gravure de Simon-François Ravenet (1729) (ci-desssous inversée; BnF) lorsqu'elle était dans la collection parisienne de Dupille mais apparemment perdue (un exemplaire que je ne connais pas est mentionné en mains privées parisiennes à propos du dessin du musée Paul-Dupuy de Toulouse). La copie d'Edinburgh, un peu plus petite, semble la plus estimée. La pose des chiens diffère légèrement, et une lance apparaît dans la main gauche d'Adonis, suggérant un original avec variante, dont je ne connais pas même de copie.

Dès lors, le rapport avec Stella ne pourrait passer que par le style graphique, notamment la transcription des types physiques. Or si celui aigu du jeune homme s'éloigne du prototype italien, il ne se rapproche pas pour autant de ce que l'on connaît du Français. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il s'agisse d'une demande spécifique d'une copie de cette composition, destinée à être reproduite dans un tableau portant le blason du commanditaire, par un peintre qui n'avait pas les ambitions de notre artiste sensibles, par exemple, dans la Sainte Cécile de Rennes (1626).

S.K., Melun, juillet 2016

Frontispice pour Parva Christianae pietatis officia
au format in-folio, 1643,
publié par l'Imprimerie royale


Louis XIII en prière dans son oratoire

Dessin perdu.

Gravure par Abraham Bosse. Eau-forte. 26,8 x 18,9 cm.
- État portant lettre sur la plaque au bas : PARVA/ CHRISTIANAE PIETATIS OFFICIA/ Per Christianissimum Regem LUDOVICUM XIII Ordinata/PARISIIS E TYPOGRAPHIA REGIA MDCXLIII
- Autre état (ci-contre) : In memorià æternà erit Justus Psalm. CXI./ LVDOVICVS XIII COGNOMENTO IVSTVS/ GALLÆ ET NAVARRÆ REX.
Exemplaires : Lyon, B. M.; Munich, Bayerisches B.; Paris, Bibliothèque Mazarine; Bnf...

Bibliographie :

Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;

Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. I,1939, p. 514, n°1240;

Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

José Lothe in cat. expo. Abraham Bosse, savant graveur, BnF-Tours, p. 45, 220;

Jacques Thuillier 2006, p. 221.
Isabelle de Conihout dans le catalogue de l'exposition de 2006 semble l'ignorer, ou le rejeter, puisqu'elle ne le mentionne pas. Jacques Thuillier a vanté en 2006 cette image pour « sa simplicité, son équilibre, sa clarté, sa géométrie stricte ». Il y revenait sur son opinion de 1987 en faveur du seul Bosse, pour donner à Stella son invention, sur la foi de la mention de Mariette. Si ce dernier connaissait fort bien les Stella, pour avoir un volume de leur oeuvre familial, on ignore l'origine de cette attribution, qui peut avoir découlé de celle, que je partage, de la version in-16 du livre d'heures de l'Imprimerie royale. Pour une fois, je crois qu'il faut le contredire.

Au fond, ce que souligne Jacques Thuillier peut servir d'argument pour la rejeter. Simplicité et clarté sont ici poussées bien plus loin que Stella ne l'ait jamais fait, lui qui aime les détails pittoresques ou archéologiques. On peut aussi mettre en doute le caractère stricte de la géométrie, effectif pour le décor mais beaucoup moins sensible dans le drapé, que notre homme a toujours traité avec un sens du volume assuré. On pourra comparer avec la gravure de Karl Audran d'après le Lyonnais montrant Louis XIII présentant les Villeroy à la Religion. Par ailleurs, le recours au damier pour le sol est un poncif propre aux compositions de Bosse, étranger à Stella dans son alternance des dalles noires et blanches.

Un autre détail me paraît significatif. Dans sa volonté de clarté de lecture, Stella n'aurait vraisemblablement pas placé la couronne à l'aplomb de la chute du manteau d'hermine. De même que le dessin du drapé, nous sommes ici en présence d'un artiste bien plus soumis au souci de réalisme qu'aux nécessités d'un langage expressif d'esprit classique. C'est précisément ce genre de préoccupations qui l'opposera bientôt à ses confrères de l'Académie autour de la question de la perspective, dont il voulait une application rigoureuse quand Errard ou Le Brun la soumettait au jugement de l'artiste pour la lisibilité de la composition. Tout concourt donc pour rendre à Abraham Bosse l'entière responsabilité de cette image - en notant au passage que le livre d'heures du très catholique Louis XIII aura eu pour principal illustrateur un protestant...

S.K., Melun, juillet 2016

Frontispice pour PVBLII/ TERENTII/ COMOEDIAE
1642,
publié par l'Imprimerie royale

Putti sur un piédestal jouant avec un masque et le linge portant le titre, dans un encadrement à mascarons

Dessin (ci-contre) BnF, Kb 123, fol., p. 13. Plume et lavis, 31,1 x 22 cm. Inscription sur le linge PVBLII/ TERENTII/ COMOEDIAE, et sur l'entablement PARISIIS/ E TYPOGRAPHIA REGIA/ ANNO MDCXLII

Gravure par Abraham Bosse. Eau-forte. 30,9 x 22 cm. État avec la même lettre
Exemplaires : Gand, B.U.; Paris, Bnf; Vienne, B.N....

Bibliographie :

Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;

Eugène Bouvy, « Abraham Bosse et Jacques Stella. À propos du frontispice des Comédies de Térence », L'amateur d'estampes, 1928, p. 180-184;

Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. I,1939, p. 504, n°1109;

Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

José Lothe in cat. expo. Abraham Bosse, savant graveur, BnF-Tours, p. 45, 220;

cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006, p. 37, 40.

Jacques Thuillier 2006, p. 220.
C'est Eugène Bouvy, sur indication de Jeanne Duportal, qui a publié le dessin en regard de sa gravure. Il a immédiatement posé la question du statut de la feuille - original ou copie? de Stella ou de Bosse? Deux remarques inciteraient à conserver le dessin de ce frontispice à Jacques Stella : outre la caution de Mariette, l'iconographie avec des enfants jouant avec un masque. Cependant, un examen attentif de la feuille et de la gravure correspondante soulève rapidement des doutes.

Comme Jacques Thuillier, je crois le dessin d'une telle qualité qu'une copie semble impossible, d'autant que la composition est en sens inverse de la gravure. Bouvy ne semblait d'ailleurs envisager une reprise que par Bosse lui-même d'après un dessin perdu de Stella comme alternative à une paternité intégrale du Tourangeau.

Le caractère très ornemental ne rend pas le jugement facile. Néanmoins, la typologie des mascarons et surtout des putti n'a que peu à voir avec celle bien connue de Stella, d'inspiration classique, « à la Raphaël ». Les visages poupins ont ici un aspect plus naturel, presque caricatural - en particulier celui au front ceint de laurier - que la thématique du livre ne peut expliquer seule. La remarque vaut d'ailleurs pour le masque, que l'on peut comparer à la version de Stella dans ses Jeux d'enfants, que Couvay gravera quelques années à peine plus tard (vers 1646-1647?).

La confrontation avec une gravure exactement contemporaine du Tourangeau, L'atelier du sculpteur (ci-contre), montre une typologie enfantine, une plastique du nu et une chevelure comparables dans le groupe sculpté. Le traitement du drapé pour le linge suspendu, décidément incompatible avec le travail de Stella, présente la molle simplicité naturaliste habituelle chez Bosse. Le paradoxe est donc presque aussi sensible que pour l'Office du Louvre : le frontispice des comédies de Térence est en fait réalisé par un graveur dont les multiples démêlés avec ses confrères laissent penser qu'il semble avoir manqué singulièrement d'humour...

S.K., Melun, juillet 2016

Jésu cogitanti,
dit aussi
Le sauveur du monde,
peinture
Huile sur toile. 81 x 64,5 cm (exemplaire de la galerie Bordes)
D'autres exemplaires mentionnés dans le catalogue de la galerie

Gravé
- en sens inverse par Louis Desplaces (1682-1739) (« Lud. Boulogne Junior inu. et pinxit - L. Deplaces sculpsit » au bas : « Le tableau original est dans le cabinet de Mr. Laurent, Maîtres des Comptes. ... »; 22,9 x 18,8 cm. BnF, Da 27 fol. p. 88)
- dans le même sens par Ignaz Sebastian Klauber (1754-1817) chez Wille à Paris (« Peint par Stella »). 29,6 x 21 cm. Deux états repérés, le premier dédié au cardinal archevêque électeur de Trèves, daté de 1782, avec les armes; le second ayant servi de frontispice à une édition de De imitatione christi chez Didot, en 1788, sans les armes ni la dédicace de l'électeur, dont Klauber se dit simplement le graveur.

Bibliographie :

Explication des peintures, sculptures et gravures, de Messieurs de l'Académie Royale, Paris, 1785, p. 60, n° 323 (gravure de Klauber)

L'année littéraire, Paris, 1786, p. 117 (gravure de Klauber)

Marcel Roux et Edmond Pognon, Inventaire du fonds français, graveurs du XVIIIe siècle / Bibliothèque nationale, Département des estampes, t. VII, Paris, 1951, p.77, n°12;

Galerie Alexis Bordes, Tableaux anciens du XVIe au XIXe siècle, Paris, 2012;
Il me semble nécessaire de réfuter ici cette attribution pour ce qu'elle peut révéler de l'artiste et de son image, parce qu'elle est maintenue dans certaines grandes collections internationales et en raison du contexte dans lequel elle s'affirme. En effet, c'est au sein même de l'Académie qu'elle est formulée : Klauber, graveur bavarois formé par son père Johan Baptiste, puis en Italie et enfin à Paris, où il séjourne de 1781 à 1790, y présente une épreuve de cette gravure au Salon de 1785, et en fait encore de la publicité l'année suivante dans L'année littéraire. La peinture dont elle témoigne avait pourtant été gravée plusieurs décennies plus tôt par Louis Desplaces (1682-1739), désignant Louis II de Boullogne (1654-1733), Premier peintre du roi en 1724 et directeur de l'Académie en 1725 comme son inventeur. L'estampe fut réalisée par Desplaces du vivant du peintre ou peu après. Un demi-siècle plus tard, on confond ce dernier avec Stella.

Dans sa représentation du Salvator Mundi, Jacques Stella a privilégié l'âge adulte, et s'en est tenu, pour attribut, au globe et à la main bénissante, y compris lorsqu'il a opté pour un Christ adolescent, qu'il montre plus volontiers en pied. Il se peut que l'idée de lui donner le Boullogne soit venue de la connaissance de l'estampe à caractère allégorique de Gilles Rousselet (ci-contre). Par ailleurs, l'étude des Pastorales en témoigne, le Premier peintre du roi avait connaissance de l'art de son aîné. C'est sans doute l'image d'un Stella porté aux sujets dévôts et aimables, à l'enfance, qui a conduit à lui donner cette figure d'un Christ juvénile, à la méditation discrètement souriante. Pourtant, c'est ce traitement même du thème du Salvator Mundi, original par le recours au clou annonciateur de la Crucifixion, qui rompt avec l'esprit de notre artiste : l'intériorité qu'il recherche jusque dans les scènes de l'enfance du Christ les plus tendres lui interdit toute esquisse de sourire. De fait, sans atteindre l'héroïsme d'un Poussin, Stella le représente à tout le moins sérieux, parfois grave sinon douloureux. Il s'inscrit dans le cadre d'une Église militante, réformiste, quand Boullogne s'épanouit dans le second temps du règne de Louis XIV puis de la Régence, qui recherche une certaine détente jusque dans la spiritualité. Substituer Stella à Boullogne fut-il volontaire, et frauduleux, ou le seul fait de l'ignorance? Il fallait que cela s'appuie sur une méconnaissance profonde de l'art de Stella quelques années après la mort de Mariette jusqu'au sein de l'Académie royale, laquelle en venait à renier l'un de ses modèles.

S.K., Melun, septembre 2021

Ignaz Sebastian Klauber
d'après Louis de Boullogne
(et non Jacques Stella),
Le Sauveur du Monde,
gravure, 1er état, 1782.
Harvard Art Museums/Fogg Museum, Gift of Belinda L. Randall from the collection of John Witt Randall
Ignaz Sebastian Klauber
d'après Louis de Boullogne
(et non Jacques Stella),
Le Sauveur du Monde,
gravure, état utilisé dans l'édition à Paris de 1788 De imitatione christi
Jacques Stella,
Le Sauveur du Monde
.
Huile sur bois. 35,5 x 27 cm.
Coll. part.
Gilles Rousselet d'après Jacques Stella,
Le Sauveur du Monde.
Gravure. 42 x 26,4 cm.
BnF.
Table générale - Table Stella - Catalogue Jacques Stella : Ensemble - Au temps de Louis XIII (1636-1643), mosaïque
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